30.11.06

la soirée



lorsque j'avais une soirée seul devant moi, je me convainquais que ça allait être l'occasion de rattraper le temps perdu : il y avait tel film à regarder, on m'en avait prêté le dvd six mois auparavant et je n'avais jamais trouvé une minute à lui consacrer; il y avait tel livre à finir, celui-là à commencer et je me figurais allongé sur le tapis d'hiver, à la lumière d'une petite lampe, absorbé par ma lecture; il y avait des paquets à faire, des cadeaux à emballer en vue de noël proche, des courriers à terminer, il y avait des envois en attente, des commandes à passer, il y avait si on cherchait bien un ménage minutieux à effectuer, du rangement ou bien du classement; il y aurait de la musique et un verre de vin, peut-être même un apéritif avec des amis que je n'avais pas invités depuis longtemps (depuis toujours?), il y aurait une sortie au restaurant ou mon salon ouvert aux autres, et je profiterais de la soirée
en définitive, je m'installais devant l'ordinateur pour vérifier les mails, j'allumais rarement la télévision, je ne téléphonais pas, je ne lisais pas davantage, le temps filait sans que je n'ai aucune prise sur lui, ni aucune volonté, jeanpierre poussait la porte et demandait comment s'était passée ma soirée, dépité je n'avais rien à répondre

29.11.06

l'identité



l'invitation était venue d'un écrivain que tu admirais, avec lequel tu entretenais une relation épistolaire irrégulière à travers les sites internet que vous fréquentiez tous deux, le connaissant un peu ce n'était pas étonnant qu'il te convie dans un monde virtuel où son identité était autre et où tu allais pouvoir à ton tour changer de personnage, de nom, d'apparence et de sexe, tu t'étais timidement inscrit, il te fallait un nouveau prénom, les patronymes par contre étaient imposés, une liste était offerte dans laquelle il fallait piocher, choisir un nouveau nom n'était pas chose facile mais la chance avait voulu que ton propre nom, affublé d'un suffixe qui faisait sens dans le contexte, existât, le prénom coulait de source, tu avais réalisé alors que si le corps était sans importance, l'identité sonore, celle par laquelle on se référait à toi, t'était profondément chère, sensible comme un nerf à vif

28.11.06

cqfd



je n'ai jamais poussé un poupon dans un berceau, je n'ai jamais joué au camion ni aux petites voitures, enfant, je faisais des puzzles

bernard pagès, mamac nice 2006

27.11.06

la piste



tu avais vu trop de films pour te laisser surprendre, tu avais des heures de séries télévisées enregistrées dans tes neurones, lorsque le ramoneur avait passé la porte, tu avais tout de suite su que quelque chose n'allait pas, l'interphone avait sonné une seconde fois, c'est mon collègue, avait dit le premier gars depuis la cuisine, tu le regardais monter sur un tabouret pour vérifier les conduits de la chaudière, tu surveillais la porte en même temps, tes yeux faisaient rapidement le compte des armes potentielles, tu savais te défendre, tu y réfléchissais souvent, ainsi, piégé dans la douche, tu aurais toujours la possibilité de dévisser le pommeau et de t'en servir comme matraque, et lorsque tu faisais la vaisselle, l'eau de javel sur l'évier serait idéale pour aveugler ton assaillant, le collègue ne passait pas la porte, tu avais raccompagné le premier ramoneur sur le seuil, tu lui avais demandé une carte que tu avais laissée en vue, tu avais immédiatement envoyé un mail à l'un de tes proches, ainsi, s'il t'arrivait quelque chose dans la journée, il y aurait une piste

26.11.06

intimes



«la forme, à présent, lui résiste — et c'est inacceptable pour un artiste, on sait les liens intimes qui unissent l'art à la mélancolie»
jean-philippe toussaint, la mélancolie de zidane

25.11.06

la cécité



tu avais un souci d'éclairage, un problème de lumière, tu trouvais l'appartement trop sombre, tu ne parvenais pas à l'expliquer, mais toutes les lampes conjuguées -et tu avais fouillé les placards à la recherche des anciens modèles, même ceux qui ne te plaisaient plus, tu les en avais ressortis, les avais alignés comme une armée de bons petits soldats- ne venaient pas à bout de l'obscurité, de cette impression qui demeurait que l'appartement pesait sur ton front, ta tête, qu'il t'étouffait peu à peu dans une passivité triste, une activité rendue impossible par l'absence de clarté, et tu plissais les yeux pour discerner les choses, il t'était soudain venu à l'esprit que le problème n'était peut-être pas à l'extérieur de toi, mais à l'intérieur, et que la nuit qui obscurcissait la pièce était peut-être pathologique, une cécité progressive, sélective et sournoise qui viendrait un jour à bout de ta vision jusque là sans défaut, ainsi je deviens aveugle, soupirais-tu soudain, excité par la nouveauté, il n'y avait pas d'antécédents dans ta famille, cela n'appartiendrait qu'à toi

24.11.06

l'archétype



noël était à l'horizon, toi et moi autour du sapin décoré, les emballages en couleur et les rubans argentés, une chaleur américaine qui n'appartenait qu'à cette période-là, des valeurs obsolètes auxquelles je ne croyais plus depuis trop longtemps, la famille était une notion dépassée, il y avait toi et moi, ensemble nous formions quelque chose d'unique, un bloc, une entité intellectuelle, sexuelle et artistique qui ne se définissait pas à travers le prisme traditionnel mais qui, soumise aux archétypes, boirait pourtant du champagne en ouvrant des cadeaux au douzième coup de minuit le 24 décembre

23.11.06

le manque



quelque chose manquait, que je ne discernais pas, et ce manque, qui aurait dû se manifester par une absence, ou un vide, remplissait au contraire mon esprit, il occupait les lieux, prenait toute la place, m'empêchait de respirer, de me détendre, il fallait obligatoirement combler le manque pour espérer aller mieux, seulement, et si je trouvais finalement ce qui manquait, où allais-je donc pouvoir le mettre?

22.11.06

l'anecdote



on t'avait raconté dans la journée cette anecdote : l'ami était au restaurant, il avait commandé un dessert avec de la crème anglaise, il y avait un cheveu dans la crème, qui tranchait noir sur jaune, l'ami avait tenté en vain de l'en ôter et comme il résistait bizarrement, il avait soulevé l'assiette, au dos de laquelle, écrasé par le poids du dessert, un cafard gisait, dont une antenne plongeait dans la crème, l'histoire ne disait pas si l'ami avait terminé son dessert, ni payé son addition, elle ne t'avait même pas coupé l'appétit, tu ne fréquentais pas ce restaurant, un pressentiment t'en avait toujours éloigné, tu avais mangé des saucisses aux lentilles accompagnées d'un verre de vin rouge délicieux dont tu ne connaissais pourtant pas la provenance dans un de tes restaurants préférés, tu avais plongé ta cuillère dans les pois avec la plus grande des confiances, tu savais que les histoires, même si elles arrivaient à tes proches, n'étaient que des histoires et que la seule réalité qui comptait, au fond, était la tienne

21.11.06

la facilité



tu avais parfois la tentation de tout jeter, de te débarrasser des choses qui t'entouraient, tu avais la tentation de réunir les assiettes, les verres, les couverts, les pots, les vases, les poêles, les casseroles, les cassettes, les disques, les vêtements, les meubles, les journaux, les magazines, les papiers que tu empilais pour on ne savait quelle raison, comme si tu y reviendrais jamais, les boîtes à rangement, les classeurs, les dossiers, tu avais la tentation de jeter, de mettre le feu, de détruire, de faire disparaître, de même la cave, cette cave qui contenait le passé, celui de jeanpierre et le tien réunis dans un tombeau précoce et commun, ne méritait rien d'autre qu'une inondation, une catastrophe, pour que toi et lui, ensemble, vous puissiez reconstruire, à neuf, libres
en même temps, non, tu ne le pensais pas, et si une telle idée te traversait, c'était parce qu'il était plus facile de blâmer les objets que les gens, et plus facile encore de les détruire

20.11.06

continuer



j'envie l'impassibilité des objets, leur immobile présence, je voudrais ne pas vivre mais à l'image des objets, être tout simplement, prendre la poussière, abandonné, traverser les siècles inchangé, insensible, garder au fil du temps ma place, mon caractère originel, vieillir dans le sens où je serais le témoin d'une autre époque, devenir une antiquité, une relique, passer de mains en mains, fragile, valorisé par mon âge, et continuer

19.11.06

la main tendue



tu habitais face à une laverie dans le cinquième arrondissement de paris, ce n'était pas ton appartement mais la générosité d'un ami qui t'hébergeait, tu avais pris l'habitude de rassembler ton linge sale dans un grand sac en plastique et de descendre le laver en face, comme cet ami vivait au premier étage, tu pouvais lui faire signe depuis la laverie, c'était un jeu étrange, c'était aussi une cohabitation difficile et inédite, parce qu'inégale, tu dépendais de la gentillesse des autres, cela s'était déjà produit et se produirait sans doute encore, on te l'avait reproché après coup, c'était toi qui te mettais toi-même dans ces situations-là, la générosité n'était pas mise en cause mais son acceptation de ta part, au final tu ne savais plus ce qu'il fallait faire vis-à-vis de la générosité, ni ce qu'il fallait en penser, la meilleure solution était sans doute de ne jamais accepter la main tendue quand on était sûr qu'elle se retournerait contre soi, seulement tu n'étais jamais sûr et tu te ramassais régulièrement, tu cherchais alors à opposer ta propre générosité à celle de tes hôtes et, invariablement, tu ne trouvais rien

18.11.06

l'investiture



la panique des enfants est abominable, le moment où leur corps se raidit, suite à une phrase dite nonchalamment ou dans le but de les amuser, le visage se transforme, la grimace habite les traits sans limite, elle rampe sur les expressions comme une pieuvre soudée à sa proie, la crise est soudaine, elle est inexplicable dans le sens où l'enfant n'a aucun moyen à sa disposition pour rationaliser la peur, il ne peut que la subir, tétanisé, avant les pleurs, avant les cris, le tremblement des petits membres et la crispation des petits poings, ce qu'il y a d'abominable dans ces crises-là, c'est la confiance trahie et la responsabilité des adultes, le rôle joué, le devoir de rassurer que l'on a, l'investiture brutale, inattendue, et l'avenir de l'autre, là, dans ses mains, qu'il faut reconstruire sans faille, en colmatant les brèches, en s'excusant aussi, à la place des coupables, du mal que l'on fera encore

17.11.06

la sauvegarde

il pourrait y avoir un monde sans internet, sans la télévision, un retour en arrière qui ne serait pas une position humanitaire, ni écologique, mais simplement une sauvegarde, une bouffée d'oxygène nécessaire, un renoncement réfléchi à la permanence médiatique, à son omniprésence vorace, carnivore, il pourrait y avoir un sursaut, une prise de conscience, une limitation des moyens de communication à leur seule portée scientifique et évolutionniste, peut-être aurait-on alors une chance d'être heureux

16.11.06

l'inadéquation



la démonstration de l'intelligence à haut niveau posait systématiquement la question de la qualité de l'écoutant, il y avait une nécessité de décodage pour pénétrer dans la dimension de la connaissance, la codification suivait l'établissement, justement, de connexions neuronales qui, si elles n'avaient pas été mises en place au préalable, dans l'enfance ou suivant une activité intellectuelle soutenue, manquaient fondamentalement, elles faisaient tristement défaut, empêchaient la concentration, c'est-à-dire que leur déficit bloquait totalement l'accès à la forme discursive qui était proposée et qui, finalement, ratait sa cible, en d'autres mots : la rencontre entre le conférencier, sur son piédestal savant, et son auditoire malheureux, dans les conditions offertes, était tout simplement impossible

15.11.06

l'équation



le regard des ménagères usées sur les jeunes femmes qui croisent leur route me rappelle que j'ai quarante ans et le sentiment d'en avoir vingt

14.11.06

le retard



jeanpierre attend dans la chambre, c'est rare que tu prennes du retard, c'est rare que l'écriture soit à la traîne mais peut-être n'as-tu pas tout donné ce soir et c'est la raison pour laquelle le photographe est en manque de tes mots, il te presse soudain à la tâche, tu rechignes un peu, pas vraiment, tu fais des tentatives mais quelque chose entrave l'avancée, tu as bu du vin blanc, en règle générale ça ne freine rien, au contraire l'alcool a une influence bénéfique sur les arts, tu es un écrivain, l'ivresse de baudelaire est une inspiration, mieux c'est un art de vivre, tu voudrais pouvoir te passer de deux choses pourtant, qui se sont imposées au fil du temps : ce tutoiement qui t'oppresse, te force à te regarder de l'extérieur, et l'imparfait qu'ici tu n'as pas employé, tu t'en rends compte à l'instant, dans la chambre, le photographe attend, tu lui envoies les mots

kristof everart, 2006

12.11.06

les tripes



pendant la soirée, tu avais évoqué le passé en rappelant à tes amis que pour l'enfant qui dormait dans la chambre voisine de la salle à manger où vous dîniez, vous étiez des adultes, et l'excitation qui devait l'habiter avait ressuscité celle que tu vivais quand tes parents recevaient à la maison, vous deviez, ton frère et toi, venir dire bonsoir en pyjama avant d'aller vous coucher sagement, du moins le croyait-on, les uns après les autres vous aviez partagé vos souvenirs d'enfance, les notes se bousculaient dans ta tête, les possibilités, tu savais que l'écriture était intarissable, tu souriais quand tu entendais un écrivain dire qu'il n'avait pas d'imagination, ou qu'il cherchait une idée pour son prochain roman, l'imagination n'existait pas, ce que les écrivains en mal d'histoire cherchaient en vain c'était l'engagement dont ils ne faisaient pas preuve, ils piochaient alors dans les faits divers et les drames historiques, effectuaient des recherches épuisantes qui après dix ans d'un travail laborieux aboutissaient à des pavés documentés (ils insistaient sur cette notion-là) qui remporteraient à coup sûr un prix littéraire, l'académie récompensait le rabâchage, jamais l'intégrité, l'intimité ne faisait pas recette, les tripes n'étaient admises que lorsque c'était celles des autres que l'on offrait en pâture

11.11.06

collection






collection n.f. (lat. collectio, de colligere, réunir) : réunion d'objets choisis pour leur beauté, leur rareté, leur caractère curieux, leur valeur documentaire ou leur prix.

10.11.06

le sexe



tu avais essayé d'exprimer quelque chose à propos du sexe et des auteurs, mais ça avait été mal compris, tu ne l'avais pas énoncé clairement et suivant l'adage fameux, il devait y avoir dans ta théorie un point que tu ne maîtrisais pas, tu voulais dire que les auteurs n'étaient pas crédibles dans la mise en scène esthétisée de leur sexualité, tu pensais aux corps laiteux qui glissaient sur la toile de cinéma et la voix de l'homme qui disait son texte, tu n'y avais pas cru un instant, il y avait une inadéquation flagrante entre la sexualité pudique que sa littérature offrait et la réalité de son corps à lui, de sa présence face au public qui l'écoutait, tu pensais que toi au contraire, tu étais fidèle à l'image de ta sexualité, tu ne trichais pas avec elle, elle était ton sexe mouillé, obscène et splendide tant le désir le gonflait, et les mots consignés dans ton journal, comme les photographies de jeanpierre qui te saisissaient dans la jouissance, ne cherchaient pas les synonymes dans le plaisir, solitaire ou non, ils te livraient tel que tu étais, tu disais que les auteurs avaient un cap à franchir, celui de leur corps figuré, en branle, tu espérais que tu serais celui qui franchirait ce cap, ta peau ne t'appartenait pas davantage que tes sentiments

9.11.06

le sexe



le sexe était un sujet épineux

8.11.06

la mort



parfois la mort de l'amie leur sciait bras et jambes, leur coupait le souffle, elle les abasourdissait, les laissait hébétés, inutilement incrédules, sur le bord d'un trottoir, ou face à face au restaurant, la fourchette au niveau de la bouche, et la bouche ouverte pour des mots qui ne viendraient pas, et s'ils avaient cru que passé le choc de l'annonce, la vie reprendrait ses droits, ils comprenaient à leurs dépends que la mort de l'amie, quotidiennement brutale, les hantait presque davantage que la maladie sournoise qui l'avait emportée l'avait fait en son temps
à d'autres moments pourtant, ils se disaient qu'ils en faisaient trop et que cette mort, qui n'était ni la première ni la dernière qu'ils auraient à supporter, abusait largement d'eux

7.11.06

être



tes films étaient importants, ils témoignaient des passages, tes films disaient les vies perdues, ils disaient l'amour, c'était cela que tu filmais, peut-être que tu ne le savais pas, tu filmais les rues, les passants, la foulée des piétons, tu filmais les villes, les hommes et les femmes, tu filmais mon visage, tu filmais les danses, les chorégraphies, les gestes, tu filmais mon corps, dans l'amour et hors l'amour, dans les rues, dans les villes, tes films disaient ce que j'étais, ce que nous étions, tes films survivraient à la chair, c'était là la force de l'image, nous étions morts et immortels, nous sommes

6.11.06

la transformation







la journée avait ressuscité des sentiments que je croyais enfouis à jamais, la main s'était abattue, à plat sur le bureau mince, coupant court aux voix, aux murmures même, le silence s'était établi dans la pièce, l'espace d'une poignée de minutes, la tête dans les mains, je faisais le vide, épuisé, il avait fallu ce moment d'absolu immobilisme, une suspension de la vie des autres pour que la mienne puisse reprendre, j'avais libéré enfin le visage, le sourire régnait en maître, jekyll avait terrassé hyde

5.11.06

l'ésotérisme



l'ami avait souhaité que je me soumette au test de l'énéagramme, je ne me rappelle plus exactement ni des détails, si ce n'est un pentacle mystérieux qui m'avait convaincu, il y avait de la sorcellerie là-dessous, ni de la marche à suivre pour obtenir un résultat, toujours est-il que j'avais obtempéré, l'ami me lisait déjà, il lisait mes premiers textes et mes ambitions littéraires, l'énéagramme avait fourni un chiffre, le 8, qui équivalait à une qualité vers laquelle il fallait tendre pour avoir une chance de réussir sa vie, l'ami trouvait que j'avais du talent, il m'encourageait à écrire, les premières années de recherche de publication je m'étais dit que l'énéagramme avait eu raison, il fallait réviser à la baisse, je manquais foncièrement d'humilité, finalement il y avait eu un appel, un premier livre, un deuxième, et, pentacle, sorcellerie, énéagramme ou astrologie, l'ésotérisme avait perdu son crédit -et moi, l'ami

4.11.06

l'offre et la demande



l'absence de commentaires, ou sa rareté, pouvait devenir un problème, ce n'était pas tant que le commentaire était nécessaire au succès du blog -on en recevait chaque jour par mail ou oralement des échos enthousiastes et la publication d'une trentaine de textes et photographies issus des premiers mois de son existence était en soi une réussite- mais sa pénurie pouvait faire penser que l'on n'était pas lu, ni regardé, et pour se consoler, on parcourait les blogs des autres, et l'enthousiasme exacerbé que l'on lisait sur des textes de qualité très moyenne et des photographies plutôt quelconques nous rassurait : ce n'était pas l'offre qui était à revoir mais la demande

3.11.06

la bêtise



la bêtise masculine me fascine, il y a quelque chose de fondamentalement stupide dans le comportement des hommes, je ne dis pas cela par rapport au texte précédent, bien que cela en soit un bel exemple, je ne juge pas non plus, je suis un homme, je me reconnais là-dedans, de même que, chez les femmes, il y a les féministes et les anti-féministes, il devrait exister un mouvement chez nous à vocation de défendre les hommes, phallocrate, extrémiste sur les bords, et un contre-pouvoir, lucide et impuissant, qui les regarderait d'un œil amusé, reconnaîtrait en eux le garçon gonflé d'orgueil devenu un grand con inutile, je suis de ceux-là

1.11.06

la rencontre



je me demande comment deux hommes qui, disons, travailleraient dans une même entreprise et ne se seraient pas encore croisés de la journée, se rencontrant devant les pissotières, se saluent, appareil urinaire en main, coup de tête ou bonjour banal, anodin, avant que chacun retourne à sa besogne respective, s'ils se regardent, où se pose le regard, capturé d'œil à œil ou échappe-t-il vers le bas, dépassant le sexe de l'autre pour ne pas chercher la comparaison, et tout cela sans même évoquer le rapport hiérarchique, s'il y a gêne lorsque le premier liquide frappe la porcelaine, s'il y a concours lorsque le deuxième flux répond en écho, si l'éclaboussure est un risque couru, reconnu, accepté par l'un et par l'autre venant de lui-même ou de l'urine mitoyenne, s'ils se sourient, ces deux hommes brusquement voisins de la plus extrême intimité, s'ils partagent quelque chose dans ce moment unique qui peut, plannings aidant, ne jamais se reproduire, s'ils trouvent finalement naturel de se débraguetter ainsi, côte à côte, et si oui, pourquoi