29.7.09

la poste



j'avais un rapport difficile avec la poste qui découlait du déficit de confiance qui me caractérisait : ainsi, lorsqu'une lettre devait partir (un paquet, un dossier, quelque chose d'important), il fallait impérativement que cela soit fait dans l'heure; et une fois que c'était envoyé, je remettais en cause non seulement l'envoi (son affranchissement, son départ, sa livraison jusqu'à l'attitude de l'employé qui s'était occupé de moi), mais également le contenu et la raison pour laquelle j'avais accompli la démarche, de sorte que les heures qui circonscrivaient le déplacement à la poste étaient parfaitement invivables — je m'y rendais donc seul

27.7.09

le malaise vagal



j'avais appris à l'université que la perte de connaissance classique, qu'elle fût due à la chaleur, à l'hypoglycémie ou à une émotion trop forte, portait cette terminologie pompeuse qui s'expliquait anatomiquement par une surexcitation du nerf vague, et je ne pouvais m'empêcher d'imaginer le fou rire que devaient provoquer chez les médecins l'emploi médiatique grandiloquent du malaise vagal et le ridicule de ceux qui, en face comme dans le camp du président, lui souhaitaient un prompt rétablissement avec un air grave — on apprenait d'un proche de l'élysée qu'il pourrait s'agir en fait d'une défaillance cardiaque, on ne donnait pas cher par contre de la peau du gaffeur

robert longo, men in the cities, mamac nice

26.7.09

la séance de minuit



on était allé jusqu'en enfer un samedi soir, d'un commun accord, j'y avais découvert une vérité que je connaissais mais que je ne m'attendais pas à retrouver là, comme quoi la hiérarchie obligeait à des compromissions insupportables et que dans cet ordre établi, tristement consenti, c'était toujours le plus faible (en terme de salaire, de rentabilité ou de confort) qui payait, l'horreur d'une séance de minuit traditionnelle s'était alors imperceptiblement déplacée des scènes gore au quotidien d'une employée de banque sous pression — je me félicitais d'avoir quitté l'entreprise avant d'avoir humilié une cliente farouche et revancharde

23.7.09

l'écriture

« c’est dingue quand même, que tu ramènes tout à l’écriture »
laurent herrou, dédramatisons la vie quotidienne

20.7.09

l'enquête exclusive



nice, apprenait-on sur la petite chaîne qui monte — d'un sale cran à chaque prestation nuancée de son présentateur-vedette à particule —, faisait le grand ménage avant l'été, six cents caméras supplémentaires surveilleraient bientôt les axes principaux dont l'enquête exclusive, et exclusivement policière, s'écartait généreusement pour verbaliser un pizzaiolo à l'ouest et un restaurateur africain récidiviste, et stigmatiser les quartiers nord et les moulins à coups de projecteurs sur les façades, de parlophones écrasés au milieu de la nuit et de flash-balls, tendrement rebaptisées muffins pour que les touristes de qualité (sic) espérés par la municipalité, rassurés par la politique new-yorkaise du maire et à qui seuls l'émission s'adressait, puissent traverser la promenade des anglais à cent kilomètres à l'heure, continuer (à raison) d'ignorer la ville et poursuivre leur route vers monaco

19.7.09

les abus



« some of them want to use you
some of them want to get used by you
some of them want to abuse you
some of them want to be abused »
eurythmics, sweet dreams

17.7.09

giacometti



je me souvenais avoir lu dans ses mémoires que giacometti avait ressenti un profond changement dans sa façon de voir le monde un jour où il était attablé à un café, et que cette vision avait résolument influencé sa manière de peindre et de sculpter tout en lui donnant une conscience plus aiguë de l'humanité, je regardais les spots de publicité à la télévision avec le sentiment d'être le seul à en percevoir l'horreur criante, particulièrement de ces êtres qui arpentaient les rayons d'un supermarché, le visage masqué d'un prix ou d'un pourcentage, d'une valeur marchande en somme, et dont, pour une raison étrange, l'image me poursuivait au fil des rues sans que je sois pourtant certain de sa réalité

15.7.09

la vue unique



je regardais avec une haine profonde l'immeuble jaune et carré qui me coupait sur la gauche des fusées qui éclataient par-dessus la baie, dont seule la lumière me parvenait contre le ciel chargé, je n'étais pas féru de feux d'artifices mais cette frustration ponctuelle renouvelait celle qui m'avait habité lorsque s'était élevée à droite pareille bâtisse qui avait gommé à tout jamais la vue unique sur l'église russe que j'avais immédiatement aimée en m'installant chez toi, et mes rêves perdus de princesse des mille et une nuits face aux minarets verts et charnus hurlaient leur colère en écho des clameurs du 14 juillet

12.7.09

la grossesse



j'avais des troubles de l'alimentation, je ne supportais plus les viandes dont le souvenir du goût levait des nausées violentes au cœur de mon estomac, j'évitais de manger mais rien n'y faisait, je comparais la sensation aux premières semaines de la grossesse lorsque le corps lutte malgré lui contre l'invasion soudaine d'un hôte embarrassant, avant d'en accepter, las d'un combat perdu d'avance, l'évidente présence et de la nourrir en conséquence, je cherchais en vain quel envahissement était responsable de ces bouleversements intérieurs — ailleurs on se penchait sur mon travail, disséquant ses entrailles et les exposant, satisfait, à la face du monde

8.7.09

la fragilité



je ne parvenais pas à détacher mon regard de la photographie que tu avais choisie pour la note précédente et qui me happait à chaque fois que j'ouvrais le blog, c'était le visage particulièrement qui m'attirait, une expression que je connaissais mais qui n'était pas mienne et se révélait étrangement alors que j'explorais mes racines, cherchant à quoi était due l'illusion — l'absence de barbe, le halo de soleil autour de mon crâne — je comprenais soudain que si le visage retenait l'attention, c'était bien le corps, sa position, son réquisitoire, qui sonnait faux et je me dépêchais de noyer le paquet dans la publication de nouvelles notes, afin que l'on me pardonnât d'être, ou de me croire, fragile

6.7.09

le paquet



je vieillissais sans me poser les questions relatives à l'âge que l'on m'offrait dès le début de la journée, espérant sagesse ou quelque changement qui me ferait être différent de ce que j'avais été jusque là, j'avais probablement les défauts de mes qualités, et une hérédité orgueilleuse que j'assumais avec toutes les dérives qu'elle comportait, mais j'avais appris à accepter le package sur le divan d'un psychanalyste vingt ans plus tôt, j'y retournais finalement pour désapprendre — il ne suffisait pas de se satisfaire de ce que l'on trouvait dans le paquet, fallait-il encore savoir quoi en faire

2.7.09

les frontières



j'écrasais les heures de sommeil comme autant de papillons déchus, cloués sous la moiteur de mon corps ensoleillé, assisté parfois d'une chimie légère ou terrassé par la violence de l'été, je nageais dans un monde où les frontières s'abolissaient, de la vie, de la mort, du passé et des lieux, un paradis limbique libre de toute contrainte, de toute morale et de toute loi, déçu au retour de ne pas en avoir retenu les messages qui m'étaient adressés, dont l'absurde bon sens glissait le long de mes paupières quand je fermais les yeux et se dissolvait en riant lorsque j'ouvrais la bouche