soudain, l'été dernier
tu ne sais pas pourquoi c'est venu, tu penses que ça a à voir avec la musique berbère, les instruments que l'on entrechoque, tu marches dans la médina, au début le pas est sûr, mais au fur et à mesure que tu t'enfonces dans le souk, que tu te perds, le pas s'accélère, ce qui a commencé par une promenade se mue en une chasse, les rires, les cris, les appels sont amplifiés, ils sonnent à tes oreilles comme les klaxons des taxis, les timbres des vélos et le vrombissement des motocyclettes, tu prends à gauche, à gauche une fois encore, encore une fois à gauche, tu as le sens de l'orientation, tu sais que tu marches vers l'ouest, encore un effort et il y aura une porte au sein du rempart rouge qui devrait s'élever par-dessus les rues basses mais que tu ne vois plus, le soleil t'aveugle, sueurs froides, tu ne penses plus, une robe noire sur un pont par-dessus la meute affamée, la tête te tourne, tu cherches un repère, le nom d'un monument, quelque chose à quoi t'accrocher, tu comprends entre deux sanglots, avalés durement, que tu te trompes de chemin, tu es au nord, tu ne peux pas faire marche arrière, c'est impossible de reculer, tu accélères encore le pas, le souffle te manque, la route monte entre les maisons écrasées par la lumière, tu as peur, derrière tes lunettes noires tu pourrais presque fermer les yeux tant ce ne sont plus tes sens qui te font avancer mais une panique animale, instinctive, tu cours presque, devant un hôpital il te demande de t'arrêter, tu te retournes, tu avais oublié sa présence, tu t'effondres entre ses bras, le hurlement te rattrape, il t'emporte dans la folie devant la scène insoutenable, le temps se fige, tu es mort