29.7.06

la passion



tu n'aimais pas que je te prenne en photo, tu disais que je n'étais pas capable d'en réussir une, tu effaçais les tentatives que j'avais faites, je ne t'en voulais pas, je pensais que l'on était maître de son image, que l'on avait le droit d'en faire ce que l'on souhaitait, tu disais ensuite que tu étais moche, ce que je t'interdisais de dire à nouveau, puisque ce n'était pas vrai, j'apparentais cela à de la fausse modestie, une volonté d'entendre le contraire dans ma bouche mais lorsque je te disais que je te trouvais beau, ce que je ne disais pas souvent non plus, je n'avais jamais été doué avec les compliments, tu n'avais pas particulièrement l'air heureux, ni de me croire, j'avais fini par comprendre que cela te suffisait de me photographier moi, beau ou pas beau ce n'était pas le problème, ce qui importait c'était que je me donne à toi, que je me laisse faire, et tu me prenais, et tu te servais sans compter, tu consommais à loisir, entre passion et dévotion, tu me stockais dans tes disques durs, peut-être me convoquais-tu pour quelque intime eucharistie en prévision d'un événement fatal qui m'arracherait à toi, définitivement, du moins je l'espérais, égocentrique