26.6.06

réminiscence



j'avais cette habitude enfant, de plonger mon visage vers mon avant-bras, les lèvres un peu en avant, je caressais la peau, les muqueuses s'accrochaient parfois à la toison fine, un peu de salive, une odeur musquée se dégageait de moi, que j'aspirais doucement, comme on savoure la fumée d'un narguilé, entre les narines, filtrée, je tétais, disait ma mère, mes grands-parents me reprenaient à voix haute devant tout le monde, je le faisais devant la télé, parfois avant de m'endormir, je le faisais dans la voiture, à y réfléchir, ce n'était pas une histoire de peau parce que je me souviens que ça marchait aussi avec la manche droite de mes pull-overs, les petites peaux qui craquaient mes lèvres se prenaient dans la maille, j'aimais la sensation de traction, comme si ma bouche allait se déchirer par petits bouts, ce qui ne se produisait jamais, la peau lâchait avec un petit bruit inaudible et je reprenais mon manège, concentré ou absent, la résistance de mon avant-bras, la douceur de mes lèvres, la saveur de la salive, sa persistante fragrance, substitut évident d'un plaisir que je ne connaîtrais que des années plus tard -ou alors, un souvenir, antérieur, intérieur, universel

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

du talent de décrire une sensation infime, quasi inexistante, et cependant elle est là, sous ta plume
(je me suis surprise à mettre ma tête dans mon avant-bras pour "expérimenter"...))

10:35  
Anonymous Anonyme said...

Ma fille accomplit ce rituel depuis des années, dans son lit, devant la télé, lorsqu'elle est songeuse, éthérée, lorsqu'elle décide probablement d'aimer son propre contact tout en se coupant momentanément du monde.
En te lisant, je la vois.

21:12  

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