12.6.06

les bijoux



pendant des années, aucun bijou
pendant les années où l'homosexualité s'est faite jour, rien, aucune bague, aucun collier, aucun bracelet, pendant que la féminisation passait de l'intérieur du corps à l'extérieur, pendant le temps où l'adolescence a balancé ses doses massives d'hormones, imposant à la libido des indications contradictoires, contraires à ce que l'entourage pouvait accepter, rien, aucun signe particulier
son corps s'est allongé, ses cheveux ont bouclé brutalement, on a dit de lui qu'il était efféminé, on l'a mis en boîte à cause de cela, d'autres se sont inquiétés, lui ont posé des questions, mais à ses poignets, à ses doigts, autour de son cou, aucun indice, aucune confession, jamais
aujourd'hui que la voix est grave, aujourd'hui que la silhouette s'est masculinisée, aujourd'hui que la fille s'est réfugiée dans les pages de ses livres, dans les mots qui échappent, au quotidien, le tintement de l'argent le long de son bras viril et les reflets métalliques autour de ses phalanges lui rappellent ce qu'il a perdu et la douleur, en vrille incessante derrières ses yeux verts, aimante son visage au miroir infidèle, à la recherche vaine de quelqu'un qui n'existe pas

3 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Au travail seules les alliances sont tolérées. Alors il faut attendre les congés. Mes parures tiennent dans la coquille d'une huître posée parmi le reste du foutoir. Parfois, donc, je me fais ce menu plaisir, remets au cou la perle grise, au lobe droit les anneaux. Ado je m'y appliquais non sans songer à la possible féminité. Aujourd'hui, je ne sais pas, cela ressemble à un rituel flou et lointain. Une sorte de vague permission.

09:56  
Anonymous Anonyme said...

«Au travail seules les alliances sont tolérées.»
imagine, jonas : combien de sens, quelle utilisation, quelle interprétation de cette phrase extraordinaire…
l'écriture échappe, à chaque instant, c'est sa force : elle dit malgré nous (et mieux que nous, parfois) ce que nous cherchons tellement à dire
encore,
lh.

10:08  
Anonymous Anonyme said...

Les mots sont émouvants, entre la nostalgie de ce qui n'a jamais existé et cette vague permission dont parle Jonas. Et l'image me trouble. Beaucoup. Bandante.

13:48  

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