le meilleur moment
tu ne sais jamais à l'avance si un livre va te plaire ou non, hormis deux ou trois auteurs pour l'écriture desquels tu renierais père et mère, tu ne sais jamais, au moment du choix, si ça va être le bon, tu t'approches de la bibliothèque, tu gardes des piles de livres que tu accumules au fil des ans jusqu'à en oublier l'existence-même, parfois tu t'étonnes de la présence d'untel, de celui-là (tu l'avais donc acquis?), tu te mets sur la pointe des pieds pour atteindre la rangée du haut, tu tires au hasard, tu glisses un doigt excité sur la tranche des poches, plus bas ce sont les grands formats, on t'a déjà demandé si tu classais ta bibliothèque, et si oui dans quel ordre, alphabétique ou par collection, tu as répondu que tu ne classais pas, que tu ne savais pas classer, tu ne savais pas ranger les livres, les écrire oui, les lire parfois, mais pas systématiquement : il y a des livres que tu ne peux pas lire, c'est une incapacité véritable, les jeter aussi, de rage, de jalousie ou de frayeur, les regarder rebondir sur le mur opposé, les fouler du pied comme on le ferait du visage haï du meurtrier auquel, par un retournement de situation inespéré, une ruade vitale, on a miraculeusement échappé, tu repousses le moment du choix, c'est une caractéristique que tu as : tu ne sais pas choisir, c'est aussi parce que c'est le meilleur moment, entre le désir et l'acte, le fantasme de lire et la lecture elle-même, enthousiaste ou déçue, tu vas lire, c'est presque là, ça y est
«here is the best part of the song
where i admit that i might be wrong»
the organ, brother
«here is the best part of the song
where i admit that i might be wrong»
the organ, brother
6 Comments:
C'est exactement ça, il ne faut surtout pas classer, mais errer plutôt... Et moi je vois en vrac, dans mes piles à moi, Je est un autre, Getting Things Done, This Little Baby, L'âge d'homme, L'argent, Les mains sales, vehicle maintenace for women...ça dit beaucoup, non? (ah mais c'est pas si en vrac que ça finalement)
question de travail, la main à la pâte, identité, féminisme et un brin d'humour -oui, la pile te définit admirablement, emily
et me donne envie de tester l'exercice sur moi-même
je prends au hasard (vraiment) :
la nuit des labyrinthes, the snow garden, nicole malinconi, mary swann, raconter des histoires, feeding frenzy et les écrits de giacometti
à vous?
lh.
Je ne connais pas cette violence, mais je connais, presque toujours, la PEUR de lire, de commencer, de plonger. Il y a de la mort dans écrire, c'est un travail de mort. Lire aussi. C'est volontairement passer dans un autre espace, qui annule le temps, qui exclut les autres, et qui remplace jusqu'à soi-même. Effrayant, toujours, l'instant du passage.
peut-être l'une des raisons pour lesquelles je ne lis jamais un seul livre à la fois : d'un univers à l'autre, ne jamais laisser le livre prendre le contrôle, me couper de la vie
multiplier les choix comme on empile des livres, en sachant qu'on ne les lira jamais tous -qu'importe : les posséder avant qu'ils ne nous possèdent (tout comme cette violence que tu notes, azure-te, impliquait la menace inhérente à la lecture, et justifie de tenir le livre en respect)
lh.
Tiens moi au contraire j'ai tendance à sauter à pieds joints dans le livre de l'autre, presque désespérément, je dirais... Et même si comme toi Lh j'en lis des tonnes à la fois, il y a toujours un moment où l'un d'eux me tient, et là.... En gros je ne demande qu'à être possédée!
but i do not own you ;-)
lh.
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