29.9.09

woodstock



j'étais sorti de la salle pour prévenir qu'il y avait un souci d'éclairage à l'image, la séance avait continué à l'identique jusqu'à ce que je retourne aux nouvelles et apprenne du projectionniste qu'il n'avait pas autorité pour changer la lampe du projecteur qui donnait clairement des signes de faiblesse, je le remerciais de faire une annonce à quoi il objectait avec professionnalisme que le film était commencé, monsieur, et qu'il ne pouvait pas déranger les spectateurs, je passais au tutoiement fleuri avant de quitter le cinéma avec un avoir mérité qui ne m'apportait pas l'ombre de la satisfaction que j'y aurais gagnée si mon départ avait été suivi par un mouvement unanime — woodstock à l'écran se poursuivait (mal) sans réaction, définitivement obsolète

27.9.09

l'invincibilité



j'avais posé la main à la base du cou, cherchant une bouffée d'oxygène qui ne venait pas, le rire s'était enfoncé dans ma gorge alors que je prenais conscience que je ne respirais plus, j'avais ouvert les yeux en apnée, le rêve renvoyait les boucles de farrah fawcett et l'eau transparente d'une piscine dans les circonvolutions de mes pensées, j'avais avalé une aspirine, un bol de lait chaud avec du miel, enduit mes narines d'une noisette de baume du tigre qui avait diffusé sa chaleur camphrée jusqu'à la racine de mes cheveux, dont les mèches en désordre blondissaient devant mes yeux à la faveur du soleil du matin, j'avais noyé la grippe naissante dans les premiers mots de mon journal, incrédule quant à son occurrence, invincible évidemment

25.9.09

le fait divers



on avait d'abord remarqué deux pompiers, pull-over marine et bande rouge au torse, avant d'apercevoir trois agents de police qui faisaient le pied de grue dans le corridor, les voisins se succédaient aux balcons pour saisir un indice et l'on arrêtait les habitants de l'immeuble pour les questionner, on avait croisé deux voitures de service en partant au café, au retour un médecin aux mèches blondes remplissait des papiers tandis que les hommes se couvraient le visage de masques, on avait compris une phrase, à propos de la position de l'individu qui bloquait le passage, ça toussait en progressant et ça demandait un brancard, on en saurait davantage le lendemain dans le quotidien où le fait divers ne passerait pas inaperçu — ton visage s'était froncé depuis ton poste d'observation quand le corps avait été extrait, moi je n'avais besoin que des mots

23.9.09

les boules quiès



j'avais un a priori au regard des boules quiès, je craignais que leur application permanente ne me prive dangereusement de la vie qui m'entourait (de la même façon que l'on plaint spontanément les sourds au détriment des aveugles, hiérarchisant les handicaps par ordre de supportabilité supposée), je comprenais pourtant que je n'y couperais pas si je voulais avoir une chance de travailler à l'heure qui me plaisait sans la ponceuse de la rue saint joseph, la circulation sur le boulevard, le cri des mouettes, les ébahissements ravis d'un bébé, les basses de la musique des voisins, jusque ta présence dans l'appartement qui, bien que discrète, mais ajoutée au reste, me devenait insupportable — et tant pis si l'on s'égosillait pour que j'évacue l'immeuble de toute urgence : je mourrais au calme

21.9.09

la perméabilité



« outside gets inside
through her skin »
kate bush, breathing

19.9.09

l'élaboration



on s'était arrêté au festival des glaces, au cœur du centre commercial dont le nom évoquait depuis l'enfance un avenir que l'on ne connaîtrait pas, on avait commandé une candelière, dont je ne comprenais pas la signification mais qui mêlait raisins rhum, vanille et café, et un brownie chantilly honorable, ça n'avait pas été une décision réfléchie mais plutôt un caprice soudain, comme celui qui me précipitait au sortir du cabinet du psychanalyste vers une pâtisserie pour y engouffrer un éclair au café il y avait vingt ans de cela, un geste que j'avais élaboré donc avec le temps et que je partageais à présent avec mon entourage — je boirais un caprice justement, cerise, glace pilée et vodka, le même soir, mine de rien

17.9.09

le chapitre



« miss shampoing est morte »
abha dawesar, l'inde en héritage

16.9.09

la fin du monde



on avait assisté aux derniers jours du monde avec un scepticisme prononcé, à la fois pour l'œuvre et les conditions dans lesquelles la projection avait été faite, et une fois de plus abîmée, une pluie drue nous avait cueillis au sortir du film, qui n'avait pas cessé durant les vingt-quatre heures suivantes, réconciliant les hommes et les saisons, des feuilles oranges baignaient sous nos pas, pulls et chaussures fleurissaient à nouveau, les serviettes que l'on avait oublié de rentrer se gorgeaient d'une eau lourde, pendues au balcon ouvert sur le gris du ciel, on parcourait des yeux sa garde-robe le matin, avec hésitation et ce frisson d'excitation qui précède les changements, ce n'était pas la fin du monde, non, juste la fin de l'été

13.9.09

l'âge



on prenait conscience de l'âge d'une étrange manière, ce n'était pas tant la prolifération des cheveux blancs, le dessin plus marqué des ridules et la rouille dont on se débarrassait avec moins de facilité au réveil, pas plus que les capacités de tolérance amoindries à l'alcool ou à la nourriture et la certitude devant toute œuvre d'art d'en avoir déjà observé le concept auparavant, cela n'avait pas lieu à l'intérieur de soi mais autour de soi, à la sensibilité que l'on se découvrait à prendre l'adulte vieillissant en considération, son existence, son dynamisme, son intégration naturelle à la vie intellectuelle et culturelle, son présent qui avait été notre futur mais qui devenait notre présent, année après année, sans que l'on ait l'impression d'y avoir perdu au change, à son image, épanouie, satisfaite, vivante

11.9.09

le festin



je lèverais les bras, paumes ouvertes au ciel, et la pluie s'abattrait sur vos corps apeurés, je rirais en sentant caresser mes épaules, les vents, détruire les toits, vos silhouettes emportées, des pantins, marionnettes, je balaierais la ville comme on lave à grandes eaux, vous rejoindriez les égouts souterrains qui plongent vers le styx, plus de trace de poussière, d'insecte ou de vie même, régnerait le silence, comme après la bataille, un souffle aigu et froid le long des grandes artères, stalactites et mites, des mâchoires de glace pour finir le festin et nourrir ma carcasse, je baisserais les bras, le travail accompli : nice au soleil d'hiver craquellerait, vaincue

8.9.09

les frissons



on fermait des écoles, on battait sa coulpe sur le petit écran, à qui avait trop fait et qui pas assez, on justifiait ou condamnait les mots, on montrait des masques en gaze blanche sur des visages enfantins au regard choisi, on éternuait dans son coude en public et à qui mieux mieux chez soi, on ne croyait pas à la mutation des virus mais on se disait que ce serait idiot quand même d'être emporté par la grippe, on donnait au sida les traits de dictateurs génocides et au cancer des images de poumons noircis sur les paquets de cigarettes, on jouait avec la maladie comme on joue à se faire peur, à l'orée d'un bois sombre, à l'entrée des cimetières, en frissonnant à l'idée de s'y perdre, on se voulait adulte mais on n'avait pas grandi

6.9.09

l'inconscient collectif



en l'espace de quelques jours on avait rencontré un prophète, le roi de l'évasion, des bâtards sans gloire mais aux vertus cathartiques inattendues et une fille qui, si elle n'irait pas danser, aurait la bonne idée de réfléchir des relations familiales que je connaissais par cœur, d'en éclairer les travers sans pour autant les résoudre et d'en chercher une issue, rejoignant dans mon esprit synthétique les films précédents qui tous traitaient d'une échappée — à un destin funeste, à un quotidien sexuel, à un enfermement claustrophobe ou simplement à sa propre vie —, à croire que la liberté dont nous jouissions avait ses revers et que les artistes, mus par un inconscient collectif extraordinaire, y trouvaient à redire

4.9.09

le rendez-vous



je me rendais au rendez-vous en enfermant mes pensées derrière de la musique que je ne choisissais pas mais dont l'occurrence était confiée à un programme aléatoire, je le quittais avec cette même volonté, de ne pas être rendu à mes pensées quotidiennes, d'emprisonner la parenthèse qu'il représentait entre deux moments neutres, d'absence volontaire, elle, je ne rencontrais étonnamment personne le long du chemin entre l'appartement et le rendez-vous quand la ville avait tendance à mettre sur ma route des dizaines de connaissances quel que soit mon trajet, je devenais invisible l'espace d'une matinée — du moins mon corps le devenait-il aux yeux des autres, j'étais pour ma part extrêmement conscient de mon existence

2.9.09

l'illusion



on avait été réveillé par les gouttes sur le vasistas, un bruit suffisamment inédit pour qu'il nous tire du sommeil instantanément, l'eau s'évaporait à peine touché le verre avec un couinement avorté, un coup de tonnerre las avait pris la suite, dont la grogne frustrée disait l'incapacité à satisfaire le besoin des hommes, on avait évité de se réjouir, le soleil déjà perçait sans peine la couche dérisoire de nuages et faisait grimper le thermomètre de quatre degrés en quelques secondes, la pluie n'était qu'un fantasme, la trace d'un rêve poisseux au petit matin que l'on avait rejoint en fermant les yeux, septembre n'était encore qu'une illusion