17.3.07

le hasard



on avait un problème avec les serviettes de bain, on ne se souvenait jamais de la couleur de la sienne une fois attribuée, de sorte que le premier qui prenait sa douche s'essuyait indépendamment avec la serviette de l'un ou de l'autre, on en avait tiré des conclusions désastreuses sur d'éventuelles maladies de peau, une contagion possible, on ne cherchait pourtant pas de solution, on acceptait le hasard, de même avec les brosses à dents, on avait beau choisir celle qui arborait sa couleur préférée, une fois devant le verre on ne se rappelait jamais laquelle c'était, à croire qu'il n'y avait jamais eu de préférence ou plutôt que la notion de couple parvenait, du moins en ce qui concernait ces choses-là, à gommer la personnalité

"les objets de l'intime", garage 103, nice

l'amant noir



on rencontrait des problèmes de couple, on avait choisi de se séparer, ça ne fonctionnait plus, tu avais quitté nice pour me laisser respirer, tu croyais que j'avais un amant mais en vérité je n'avais jamais fait l'amour avec lui, son sexe ne m'avait jamais pénétré comme je ne l'avais jamais pénétré moi-même, avant ton départ je t'avais demandé de me ramener quelque chose, on se redécouvrait avec la distance, à ton retour je m'étais déshabillé, on était sur le lit, tu m'avais demandé de fermer les yeux, tu avais promené sur ma peau un sexe dur et d'une dimension qui ne trompait pas, ce n'était pas le tien, tu avais enfoncé le gode entre mes fesses, on l'avait baptisé l'amant noir à cause de la couleur du plastique, on s'était remis ensemble le soir-même

"les objets de l'intime", garage 103, nice

les bruits



on ne fermait pas la porte quand on allait aux toilettes, si au début de la relation j'avais été terriblement discret sur cette partie-là de ma vie, au point que je t'obligeais à mettre un cd dans la chaîne pour que j'aie une chance de faire ma besogne, j'avais changé dans ce domaine, on avait d'abord pissé en continuant à se parler, porte grande ouverte, on en était arrivé à chier sans perturber l'autre, on commentait les odeurs et les bruits, la plupart du temps on ne remarquait même pas ce que l'autre était en train de faire, ça devenait inquiétant

"les objets de l'intime", garage 103, nice

l'intimité



on en était arrivé à se dire que l'intimité n'existait plus, que le couple, à l'image d'une cellule de prison, représentait cette absence évidente de limite dans ce qu'un homme peut accepter d'un autre homme, on dormait ensemble, on mangeait ensemble, on baisait ensemble, on pissait ensemble, on se lavait ensemble, on vivait ensemble, on était artiste l'un et l'autre et à présent on créait ensemble, on était dépendant l'un de l'autre, ce n'était pas que l'intimité n'existait plus mais on avait accédé à deux à une autre forme d'intimité qui était une intimité plurielle, elle excluait les autres, quand on nous posait des questions, on se regardait et on ne répondait pas sous prétexte que c'était intime

"les objets de l'intime", garage 103, nice

le silence



tu étais arrivé le premier, la terre était fraîche, je t'avais demandé si tu étais bien, tu ne m'avais pas répondu, le silence m'avait enveloppé comme un manteau étroit qui laissait pourtant passer un froid éternel

"les objets de l'intime", garage 103, nice