31.1.07

la panna cotta



tu avais découvert la panna cotta au palais de tokyo, du moins -et étrangement- ton premier souvenir de la panna cotta remonte à ce séjour parisien précis, c'était l'an 2000, vous aviez fait une pause après l'exposition, tu ne prenais habituellement pas de dessert mais on avait insisté pour que tu goûtes la crème blanche et épaisse surplombée d'un coulis de fruits rouges, tu avais plongé la cuillère à travers la pellicule rouge, tu avais porté le blanc-manger assorti d'une larme sang et sucrée à tes lèvres, ça avait été une surprise, tu avais eu peur de retrouver le goût amer du yaourt mais la panna cotta n'avait rien à voir, c'était un plaisir subtil et léger qui fondait sous la langue et ravissait la gorge, il t'en avait fallu depuis lors toujours plus et tes pupilles s'allongeaient comme celles d'un chat quand la carte des desserts stipulait cette option, tu avais passé un nouveau cap le jour où tu avais décidé d'en faire une toi-même et tu avais surveillé la crème qui refroidissait sur la table de la cuisine avec un œil inquiet, tu ne faisais la cuisine qu'à de très rares occasions, il fallait vraiment que tu fusses gourmand et excité à l'idée que la crème blanche viendrait de toi pour que tu te sois mis au travail, à la réflexion, et à la relecture de ce que tu venais d'écrire, tu te disais que la métaphore était bel et bien la figure de style que tu préférais, tu savais que tu n'étais pas le seul dans ce cas, à en être friand -de panna cotta, s'entend

30.1.07

l'emploi du temps



je prends beaucoup de plaisir à faire les choses lentement : je lis lentement, je mange lentement, je bois mon café, lentement, je me connecte à internet et lentement je me branle, il n'y a pas d'urgence, je prends les décisions lentement, je range lentement, je me douche lentement, lentement je sors du lit, lentement j'y retourne et je m'y rendors, je pense lentement, je pense à ce que je veux, lentement, je pense à ce que je ne veux pas, à ce que je ne veux plus, je ne me laisse plus prendre au piège de la vitesse, je change lentement mes habitudes, je prends mon temps

29.1.07

collection






collection n.f. (lat. collectio, de colligere, réunir) : réunion d'objets choisis pour leur beauté, leur rareté, leur caractère curieux, leur valeur documentaire ou leur prix.

28.1.07

l'amitié



tu avais une conception particulière de l'amitié, mais peut-être que tout le monde avait la même, tu voulais être séduit, tu avais besoin d'admirer et de tomber sous le charme de tes amis, fille comme garçon, il fallait que la personne réveille quelque chose en toi que tu ne trouvais pas ailleurs, tu avais de fait peu d'amis, tu te posais souvent la question de la qualité de telle personne, tu la passais au crible de tes exigences monstrueuses, tu étais satisfait si les critères correspondaient et déçu de manière disproportionnée si ce n'était pas le cas, tu ne supportais pas la médiocrité, tes amis se devaient -et te devaient- d'être parfaits, tu avais toi-même subi récemment le jugement de quelqu'un qui t'était cher, parce que c'était une personne exceptionnelle tu t'étais cru toi aussi de la même veine et quand la sentence était tombée, tu étais tombé avec elle, tu ne t'en relevais pas, tu devenais en réaction plus cruel jour après jour, tu n'en ressentais aucun plaisir, juste l'évidente réalité de ton indiscutable solitude, tu savais vers quelle implacabilité une telle attitude te conduirait, tu n'étais pas forcément prêt à tout accepter, ni encore à tout encaisser mais c'était le prix à payer si tu voulais être libre -et tu voulais cela, plus que tout

27.1.07

la dévotion



il fallait toujours que quelqu'un se dévoue, c'était inévitable, toute histoire fonctionnait sur l'investissement sans faille de son héros, qu'il s'agisse de retenir sa respiration dans un complexe à l'oxygène saturé de gaz empoisonné ou une simple affaire de serrure bloquée que l'on ne pouvait ouvrir que de l'extérieur, sans le héros il n'y avait pas de solution, donc pas de résolution
seulement parfois les plans des bâtiments changeaient ou les chevilles cédaient à la réception d'un saut acrobatique, on avait beau être un héros, le corps avait ses limites

26.1.07

le consentement

le téléphone était l'ennemi, qu'il sonnât ou non, sa présence était une menace, sa mélodie faussement gaie m'obligeait vers l'appareil tout autant que son silence quand je vérifiais son bon état de marche, il avait fallu cette colonisation-là, du portable, pour comprendre enfin que la liberté n'existait pas, nous étions liés les uns aux autres par des ondes devenues indispensables, nos mouvements étaient enregistrables, enregistrés, les renseignements généraux n'avaient rien à faire, nous étions consentants

25.1.07

l'architecture



les magazines s'empilent sur le tapis du salon selon une architecture savante à laquelle se mêlent des dvd, des livres, trois télécommandes et une housse en plastique, lorsqu'une pile devient trop instable, lorsqu'elle menace l'équilibre hétérogène fragile, elle se double d'une seconde pile, inférieure à la première, pâle copie de l'originale, un clone faiblard, survient alors souvent une troisième pile dans une tentative désespérée de classement, livres sur livres, dvd sur dvd, magazines sur magazines, jusqu'à ce que l'affaire nécessite l'intervention du service de rangement et que chacun regagne sa place légitime : les dvd dans la pile de dvd qui escalade le mur, les livres dans les piles de livres qui s'accumulent sur et devant la bibliothèque et les magazines dans de larges sacs en papier où ils s'empilent généreusement en attendant mieux

anne et patrick poirier, "la colonne brisée"

23.1.07

l'indicible



je te caressais le visage comme un fou, allongé auprès de toi, je tentais de te saisir, de te toucher d'une manière différente, inédite, je remuais beaucoup, je changeais de position, je murmurais ton prénom à plusieurs reprises avec la même intensité douloureuse, de celle qu'ont les enfants qui souffrent sans pouvoir dire ce qui leur fait mal, et tu répondais : quoi? doucement, à chaque fois, ça me faisait rire et ça te faisait rire aussi, je souriais pour t'apaiser, ne pas t'inquiéter davantage, tu finissais par t'endormir contre moi, je me retournais, et les yeux grand ouverts sur l'obscurité, j'affrontais mes terreurs indicibles

22.1.07

le maître à bord



le journal avance par bonds violents, il se tait pendant plusieurs jours, fait l'impasse sur des événements qui sembleraient essentiels, il ne grandit pas en se nourrissant de la vie réelle, ce sont les émotions -et combien elles se chevauchent soudain dans une orgie brutale et extrême- qui dictent les mots, je n'écris pas le journal, c'est lui qui commande

21.1.07

la cohabitation



audrey était le prénom que tu t'attribuais quand tu étais une jeune fille enfermée dans un corps masculin, tu avais écrit un texte à propos de tes amis, tu y avais ajouté un personnage qui portait ce prénom-là, qui était une autre version de toi en somme, mais au féminin, laurent cohabitait avec audrey, c'est-à-dire que dans cette histoire tu apparaissais deux fois, laurent donnait le change pendant qu'audrey tombait amoureuse ou malade, et vivait la vie que tu ne vivrais jamais, ce n'était pas de l'ubiquité, ni un véritable dédoublement de personnalité, c'était plutôt une trahison précoce qui avait permis au garçon et à la fille qui se partageaient ton corps de se haïr en toute impunité au sein de ton esprit, l'empoisonnement était quotidien, le travail de sape, la cellule était infiltrée, tu en subissais les conséquences en te mordant les lèvres, tu étais l'origine du complot, le responsable, c'est toi qui avais ouvert les portes à l'ennemi, la question demeurait de qui, entre audrey et laurent, aurait le premier la peau de l'autre, tu te demandais aussi si, enfin unique, tu te survivrais

20.1.07

le temps libre



après la douche je m'étais rallongé, j'avais glissé mon corps séché sous la couette, je m'étais installé à ta place, c'était souvent là que je me positionnais quand tu n'étais pas dans le lit, c'était aussi à ta place que je dormais quand tu n'étais pas à nice et que la lumière et la musique me tenaient compagnie toute la nuit durant, j'avais ressenti quelque chose de rare, un bien-être en vague intérieure qui était partie des jambes pour gagner l'ensemble du corps, tu étais entré dans la chambre, je t'avais dit que j'avais eu la sensation du week-end, ou des vacances, en tout cas de l'inactivité professionnelle, l'évidence du temps libre sans barrière, une sérénité paisible face à ces heures de la journée que je ne dédierais à rien d'autre qu'à cette position-là, propre, au chaud, dans notre lit

19.1.07

les mauvaises langues



à force de m'entendre dire que l'emploi du temps représentait sûrement une contrainte, je finissais par le croire et je devinais déjà ce que diraient les mauvaises langues quand l'exercice s'interromprait, que c'était inévitable, que ça ne pouvait pas durer

18.1.07

la lassitude



j'ai accumulé depuis noël une dose de fatigue conséquente dont je ne parviens pas à me débarrasser, j'ai beau dormir, beaucoup mais mal, j'ai beau bénéficier de jours de repos non-négligeables, trois consécutifs ce week-end, j'ai beau réussir sur le lieu de travail à me poser plusieurs dizaines de minutes par heure, ce qui ne constitue pas un repos en soi (assis je renseigne toujours) mais permet au corps de se remettre de la manutention inhérente au boulot de libraire, je rentre chez moi fourbu, les jambes lourdes comme après un exercice physique intense, le dos en compote, les cervicales rouillées et les yeux au bord des larmes, incapables de soutenir un éclairage vif, la tête me lance, j'ai définitivement renoncé à l'hypocondrie pour ne pas me piéger moi-même dans une névrose supplémentaire, la fatigue n'est rien d'autre qu'une lassitude profonde -et manifeste ici- qui vient s'ajouter aux fêtes de fin d'année épuisantes, vous devriez prendre des vacances, m'a recommandé une cliente bien intentionnée parce que j'avais fait deux fois la même mauvaise manipulation sur ma base de données, c'est vrai, ça, faut-il réellement que l'on ait l'air bête pour que vous puissiez vous dire qu'on n'y avait pas pensé tout seul?

17.1.07

la nouvelle adresse



on dînait dans un restaurant que l'on fréquentait régulièrement, on avait une table pour deux contre un mur, on était à l'aise, dans notre élément, depuis le fond de l'établissement où se trouvaient les cuisines le cuisinier était apparu, il avait marché vers le bar où se tenaient le patron et le livreur de pizza, son attitude avait attiré mon attention, une manière de tenir son bras d'une façon exagérément efféminée, j'avais froncé les sourcils, il avait rejoint les deux autres, ils avaient ri et leurs regards avaient convergé vers notre table, je n'avais rien dit à jeanpierre pour ne pas gâcher son repas, pour ma part j'avalais à contre-cœur, je m'étais demandé ce qu'il fallait faire, interpeller violemment le cuisinier, lui casser la gueule sur le mode viril, accentuer au contraire le trait et demander au patron s'il était libre ou tout simplement m'en foutre, finalement j'avais tout raconté à jeanpierre qui avait haussé les épaules, j'étais paranoïaque, c'était reconnu, ce qui m'inquiétait davantage, paranoïa ou pas, c'était le pouvoir qu'avaient les autres sur moi, la honte et la colère qu'ils étaient encore capables de provoquer, je m'en étais au bout du compte voulu, je savais que je ne serais plus jamais tranquille dans ce restaurant que j'aimais bien, il fallait trouver une nouvelle adresse

16.1.07

la mauvaise humeur



la mauvaise humeur me prenait par surprise, tu reculais en silence, tu étais conscient que ce n'était chez moi que passager quand tu pouvais rester contrarié plusieurs jours à la suite, tu laissais faire, l'orage se déclenchait, une perturbation non-enregistrée par les bases météorologiques qui frappait violemment et te laissait pantois, la pluie s'adoucissait alors, la tempête se calmait aussi rapidement qu'elle était venue, tu scrutais mon visage à la recherche d'un indice, un frémissement des narines, un éclair dans le regard, mais rien, je tournais les talons en douceur, c'était terminé

15.1.07

les livres

les livres se succédaient dans la boîte aux lettres depuis que tu avais pris les rênes du rayon littérature, tu les découvrais à chaque fois avec plaisir, non pas celui de les recevoir gratuitement mais tu avais le sentiment de faire partie de la machine littéraire, d'y avoir ta place puisque ton nom circulait sur les bases de données des éditeurs que tu affectionnais, pourtant tu te rendais vite compte, après la lecture d'un chapitre ou deux, que tu ne lisais plus comme un auteur mais comme un libraire et que ton existence dans les maisons d'édition était uniquement d'ordre commercial, la réalité te faisait brutalement horreur, tu abandonnais alors les livres sans les mener à terme, le réflexe était vital, ton cœur avait en vérité battu devant les enveloppes épaisses que contenait la boîte aux lettres dans l'attente d'un autre livre, celui dont l'auteur porterait le même nom que le destinataire du courrier, ton travail était d'écrire, tu n'avais pas ta place en librairie

14.1.07

l'obsession



chaque année, le 14 janvier, je recevais un bouquet de roses noires dont les tiges osseuses et pointues arrachaient la pulpe de mes doigts, le sang tachait le carton qui accompagnait les fleurs, l'encre de ton message -toujours le même : love, jack- buvait le liquide carmin, les mots se diluaient en larmes sales qui habillaient mon visage diaphane d'une maille sombre, indélébile

13.1.07

le photographe



«aujourd'hui, il n'existe que trois catégories de photographes : l'ignorant, le technicien et l'artiste»
alfred stieglitz, 1899

salla tykkä, "zoo", palais de tokyo 2006

12.1.07

ariane



on me demande fréquemment si j'écris en ce moment, si je connais la date de parution de mon prochain livre, lorsque je réponds non on me demande s'il est terminé, s'il est en cours, si j'ai des idées, si je travaille, je dis généralement que c'est plus compliqué que cela, quand j'ai suffisamment de temps pour détailler le processus je parle des petits morceaux de romans qui s'affichent en documents épars sur l'écran de mon portable, j'explique que je ne fais pas encore le lien entre les textes, que c'est comme ça que ça se passe, d'abord une succession de paragraphes sans rapport les uns avec les autres et soudain le lien apparaît, comme un fil tendu qu'il ne reste plus qu'à suivre pour sortir de l'obscurité -de même ici, c'est après six mois passés sur le blog à me demander pourquoi je n'écrivais plus que j'ai compris que j'écrivais, jour après jour, et que le nouveau livre était là, en marche, sous mes yeux

11.1.07

l'exigence



«pourquoi cherchons-nous à être aimés quand il suffirait qu'on nous tolère?»
karine tuil, douce france

10.1.07

l'inévitable



tu prenais parfois brutalement conscience de ta mortalité, c'était le plus souvent juste avant de t'endormir, tu paniquais d'abord, terrassé par le caractère inévitable de l'événement, le souffle te manquait, tu cherchais à te raisonner, tu poussais ton esprit vers sa propre absence, sa négation, mais l'intelligence se révoltait et tu rebroussais vite chemin, tu tentais alors une autre tactique : d'autres avant toi avaient souffert des tourments similaires, ils avaient cependant réussi cette épreuve qui les effrayait tant, ils étaient morts aujourd'hui comme tu le serais un jour, tu te calmais enfin en comprenant que pour cette unique fois dans ta vie, l'échec -que tu redoutais plus encore que ta propre fin- ne serait pas possible

9.1.07

la diplomatie



je serrais la main de ce directeur littéraire qui, quelques années auparavant, avait refusé le manuscrit de mon deuxième roman dans une lettre personnalisée, ce qui en soi était déjà une bonne chose me faisait-il remarquer alors que je lui en rappelais non sans ironie les détails, je l'avais à l'époque voué à toutes les furies, je souriais à présent et me montrais sympathique, je me demandais dans le même temps quelle en était la cause, si la politesse l'emportait naturellement ou si la possibilité d'une quelconque ouverture par cette rencontre avait raison de ma rancune d'antan, l'hypocrisie gagnait-elle du terrain ou était-ce au contraire un signe de sagesse et de diplomatie que de renoncer à un orgueil puéril pour un détachement lucide, fortement favorisé cela dit par la présence dudit roman publié chez un autre éditeur sur une table voisine de la librairie?

"welcoming hands", louise bourgeois

7.1.07

les vœux



d'habitude les vœux partaient le premier jour de l'année, sans faute, d'habitude tout était prévu pour que ce fût prêt ce jour-là, à être envoyé par la poste et par courrier électronique, on ne dérogeait pas à la règle, il avait fallu des événements exceptionnels et une panne informatique pour que la nouvelle année s'ouvre d'une façon différente, il n'y avait pas de regrets à avoir, juste de l'espoir pour ce qu'il y avait encore à l'horizon

6.1.07

le bluff



on parlait des sans-abris, tu disais qu'on ne faisait rien, les tentes fleurissaient dans les villes, une vague de soutien populaire se levait, qui faisait sortir les gens de chez eux pour vivre une nuit unique dans les conditions quotidiennes des sdf -quand l'inverse aurait été bienvenu, d'offrir le confort de son appartement pour une nuit au lieu de diviser les mètres carrés déjà réduits des gars de la rue- obligeant toutefois les pouvoirs publics à prendre le phénomène en considération, je n'étais pas d'accord avec toi, je disais que l'on travaillait, chaque jour, que l'on payait des impôts et que l'on cotisait, on œuvrait pour la société, si la société ne jouait pas son rôle, ce n'était pas à nous de nous sentir responsables du malheur des autres, on pouvait déplorer l'état de fait et donner quand on en ressentait personnellement le besoin (et non quand les médias tentaient avec succès de culpabiliser les foules), tu n'étais pas convaincu, on aurait pu se soulever, disais-tu, descendre dans la rue, faire la révolution, je te trouvais beau et triste dans ton utopie, le soir-même le journal télévisé montrait une salle où l'on jouait des milliers d'euros au poker, le jeu de cartes était très à la mode, apprenait-on, la fille d'un réalisateur de cinéma se réjouissait de maîtriser les bons coups, autour de la table les figures de la télévision, du sport et du show-bizz échangeaient œillades et sourires complices en brassant des fortunes, c'était vrai que l'on ne faisait rien pour les sans-abris, en fin de mois, avec mon salaire de mille euros et ta future retraite, d'autres distribuaient leur gain au jeu avec plus de générosité que la nôtre, on ne pouvait pas en douter

5.1.07

l'aide



le technicien avait repris là où le précédent avait abdiqué, j'avais obtempéré placidement, las, le son associé à l'envoi d'un courrier en attente depuis une semaine avait retenti, le technicien avait dit : voilà, vous êtes connecté, incrédule j'avais regardé les fenêtres s'ouvrir les unes après les autres, encouragé j'avais écouté patiemment les conseils et le diagnostic, la borne wifi posait problème, qu'importe, on s'en passerait en attendant mieux, j'avais remercié l'homme pour sa gentillesse, le technicien était compétent, ou bien c'était moi, j'acceptais enfin que j'avais besoin d'aide

3.1.07

la formalité



tu n'avais aucun problème avec les courriers administratifs, pour toi le terme de formalité s'appliquait bel et bien, tu n'avais pas ton pareil pour emporter les formules toutes faites vers des horizons inexplorés, tu proposais tes services aux uns et aux autres, qui allaient de la rédaction à la relecture, tu aurais pu postuler pour les municipalités, un écrivain public après tout, c'était un écrivain quand même, tu avais séché pourtant presque une heure sur les deux phrases courtes qui demandaient à ton employeur un congé sabbatique d'une durée de onze mois, tu avais imprimé la lettre avec une méfiance qui ne te caractérisait pas, tu avais plié le document, tu l'avais enfoui dans ton sac comme une chose honteuse, il te faudrait travailler encore sur ce que cet acte-là, de liberté sans condition, déclenchait chez toi, tu sentais que tu n'en avais pas fini avec lui, si le travail était l'opium du peuple, peut-être n'avais-tu pas encore atteint la dose nécessaire à ton abrutissement

2.1.07

les dates



la technique t'obligeait à mentir -mais y avait-il un intérêt à rester fidèle à la vérité des dates?

1.1.07

la résolution



la dépendance n'était pas une obligation, elle ne servait qu'à masquer la frustration, c'était parce que les frustrations existaient que les dépendances se mettaient en place, qu'elles imposaient leur loi, plus destructrice encore que l'objet de la frustration semblait l'être (ou l'avoir été), pour se débarrasser activement de la dépendance, il fallait d'abord identifier la frustration et travailler à son éradication, il fallait pour cela s'adonner librement, sans contrainte, au plaisir que procurerait l'objet de la frustration, une fois reconnu, une fois consenti, une fois accepté, il n'y avait ni destin, ni malédiction, il n'y avait pas de drame à chercher, ni coupable ni victime, juste une résolution à tenir, aveuglante de brutalité : celle de vouloir être radicalement heureux