30.9.06

les langues étrangères

les hommes, et la sexualité, ne satisfaisaient pas seulement un besoin naturel, un désir urgent, la phrase te revenait, la préconisation que les professeurs de langue servaient généreusement à l'école, et tu t'en offusquais alors, oie blanche, comme quoi on ne progressait qu'avec une bonne motivation et qu'une petite amie étrangère était un compromis excellent entre plaisir et travail, déjà tu te désolidarisais du groupe, sous couvert d'un féminisme un peu basique et qui arrangeait bien ton homosexualité naissante, quand tu apprendrais bientôt -et peut-être l'avais-tu déjà compris- que tes plus grands progrès linguistiques te viendraient en effet de ton activité sexuelle et d'une libido suffisamment lucide pour, loin de focaliser tes pensées uniquement sur tes organes, te rappeler au bon moment que tu avais tout à gagner à parfaire ta connaissance des langues étrangères

29.9.06

le filet



certains jour, envoyer des mails te semblait vital, tu ne savais pas pourquoi ça te prenait alors, c'était comme si tu ne pouvais pas t'en empêcher, alors que tu repoussais tellement de phrases, de questions, de demandes et d'audace, certains jours tu laissais tomber la pudeur, la retenue, la politesse parfois même, tu disais -du moins tu écrivais- les choses qui te trottaient dans la tête depuis trop longtemps : telle cette éditrice qui n'avait pas repris contact avec toi et tu t'inquiétais qu'elle ait pu ne jamais recevoir ton manuscrit; tel cet auteur que tu remerciais pour sa venue dans ta ville alors que tu t'étais promis pourtant que tu le laisserais t'écrire le premier; tel cet homme dont la photographie t'avait plu mais tu savais que tu n'avais rien à offrir, alors à quoi bon?
tu envoyais des mails, tu envoyais des messages, d'aucun dirait : des bouteilles à la mer, mais il n'y avait pas d'eau, juste un filet gigantesque qui permettait que les gens se contactent, qui te permettait en tout cas à toi de les contacter, tu préférais ne pas te faire trop d'illusions sur la suite des événements

28.9.06

l'œil



on parlait photographie, on se disait que c'était une question d'œil, ce n'était pas anodin de prendre une belle photographie, il y avait le cadrage, la profondeur, on parlait des paysages, qu'y avait-il de plus ingrat qu'un paysage, on pensait l'un comme l'autre que les photographies de paysages étaient d'un ennui profond, pourtant tu avais pris toi-même des paysages en photo, et c'était des photographies magnifiques, on en revenait à l'œil, tu disais que de toute façon les gens s'extasiaient sur les paysages, quelle que soit la qualité de la photo, je pensais à l'inverse que c'était horrible, finalement, de ne pas avoir l'œil pour le cadrage ou la profondeur, il m'apparaissait que de la même façon que des gens sont sourds à la musique ou hermétiques à la littérature, la population non-photographe, dont je faisais malheureusement partie, était sans doute incapable d'apprécier les lignes et les reliefs d'un paysage exceptionnel, de sorte que le monde, extraordinairement riche aux yeux du photographe, n'était rien d'autre qu'un vaste champ de couleurs aux yeux des autres, qui s'en satisfaisaient pourtant -je quittais alors leurs rangs

27.9.06

virginia woolf



tu avais écrit dans ton journal que la littérature pourrissait tout, tu avais fait une faute au nom de l'éditeur que tu citais, tu l'avais remarquée plus tard, tu lisais virginia woolf, the diary, tu sentais que cette lecture était nécessaire même si elle ne réussissait pas à te captiver, tu sentais que tu passais à côté d'elle, tu ne t'accrochais pas, tu survolais les années et tu laissais la langue anglaise glisser sur des pensées qui n'avaient rien à voir avec ce que tu lisais, tu en avais écrit toi-même des pages, du journal, ce fameux jour où la littérature pourrissait tout, tu avais souri parce que ton poste changeait ce jour-là, tu transitais d'une pièce à l'autre, tu quittais enfin des livres qui ne t'intéressaient pas pour des livres qui normalement t'intéresseraient et tu te demandais finalement si cet aspect-là de la littérature, que tu n'avais en somme jamais vraiment connu, allait lui aussi te mener la vie dure

26.9.06

les mauvaises nouvelles



j'avais également coupé le téléphone, dès l'arrivée à l'appartement j'en avais suspendu les fonctions, je ne voulais pas que la sonnerie retentisse, j'en avais eu assez des paroles, je voulais, comme c'était le cas avec les courriers électroniques, relever la messagerie à heure fixe et le cas échéant répondre aux questions qui me seraient posées, il n'était plus question que je me laisse surprendre, il n'y avait rien de bon à attendre des futurs appels, les nouvelles étaient mauvaises

25.9.06

le maître



la touche que tu préférais sur la télécommande était celle par laquelle tu imposais le silence aux images, tu avais le pouvoir de choisir qui avait le droit de parler ou non, tu n'avais aucune pitié pour les prières que leurs lèvres dessinaient, ni aucune considération pour l'autre, celui qui subissait à tes côtés la pression de ton doigt sur le silencieux, tu étais le maître, quand tu avais la télécommande en mains, il ne disait plus rien

24.9.06

wonderful



ç'avait été particulier, non pas que la ville avait changé, mais peut-être à cause de l'auteur qui était là, auprès de moi, dont la langue était différente des autres, la voix unique et la poésie rare, je regardais la ville avec ses yeux, j'étais sensible à la lumière métallique du crépuscule sur la gare, les travaux du tramway étendaient leur réseau goudronné sur les trottoirs bancals, il avait dit qu'à son arrivée le ciel était cuivre, une nuit d'usine se profilait, sans que l'on en comprît la raison, l'horloge sur la vieille poste en brique rouge ressemblait à une big ben de fin du monde, il ne fallait pas chercher ailleurs ce qui était simplement là, il avait demandé pourquoi nice, j'avais répondu : l'amour, il trouvait que c'était une belle raison, qui valait bien plus que toutes les autres, il était monté dans son train, un unique voyage, peut-être le seul qu'il ferait jusque là, c'était suffisant

22.9.06

les épreuves



les yeux abîmés par la concentration, tu relis les épreuves, ton attention ne fléchit pas, tu sens qu'il y a un enjeu, et pas des moindres, c'est ta vigilance que l'on teste, c'est ta crédibilité qui est mise à l'épreuve, justement, tu sais que les mots ne sont pas choisis au hasard, ce n'est pas possible que les éditeurs, en nommant ainsi le jeu de relecture d'un livre par son auteur, n'aient pas cherché à piquer l'artiste, toi tu cherches le piège que l'on t'a tendu, il est forcément là, entre deux lignes, au détour d'une page, une coquille dans ton nom, une virgule mal placée, qui modifie le sens d'une phrase capitale, tu aimes les épreuves en vérité, parce que, même en pièces détachées, c'est ton livre que tu as entre les mains, tu sais qu'il existe, qu'il est là sous tes regards appliqués, et les sourires des gens qui te posent pour la centième fois la question de la date de parution ne te blessent plus, ils ont fini de te faire du mal, tu n'es pas mythomane, tu n'es pas prétentieux, tu es juste un auteur

21.9.06

le début



j'avais dix ans, c'était mon auteur préféré, c'était plus compliqué que cela, déjà, la raison pour laquelle on fait les choses, il écrivait l'histoire de trois garçons, des amis, ils s'appelaient serge, xolotl et thibault, les prénoms ne m'ont jamais quitté, je lisais leurs aventures en bibliothèque verte, j'avais écrit à la maison d'éditions, une longue lettre dans laquelle je posais des questions, l'auteur, belge, avait répondu dans un délai de quelques semaines, je n'en croyais pas mes yeux, il me parlait de ses personnages, serge était le fils d'amis à lui, il avait rencontré xolotl au cours d'un voyage, pour thibault, je ne me souviens plus des détails, j'avais des réponses, déjà, à dix ans, sur la construction du roman, la raison pour laquelle on fait les choses, à dix ans, pourquoi on écrit à un adulte, un écrivain, pourquoi on s'intéresse, garçon, à un homme dont les héros sont trois garçons inséparables, il y aurait des dizaines de fils à suivre, des dizaines de réponses à donner, il y avait cette lettre entre mes mains d'enfant, d'un écrivain confirmé, reconnu, il y avait eu un contact, entre moi et la littérature, c'était ça, le début

20.9.06

les hommes sérieux



je ne sais pas s'il aimait les fleurs plus que moi, il n'était en tout cas pas capable de comprendre que je venais pour lui, de paris à toulouse, ou s'il le comprenait, ce qui comptait c'était son magasin, et le travail qu'il y faisait, la fidélité envers sa clientèle, une certaine qualité de service -c'est ainsi que l'on parle dans les grandes entreprises- qui justifiait quoiqu'il en fût tout sacrifice, même en amour, il secouait la tête quand je m'emportais, il disait que j'étais fou, il avait raison en ce sens que j'ai toujours représenté l'élément de folie dans le couple, et que, sans doute par exigence, j'ai toujours choisi des hommes qui avaient envers leur travail un sens de la responsabilité hors du commun, je crois que je n'aurais pas aimé qu'un homme cède à tous mes caprices, je l'aurais alors pris pour un rigolo, et si un rigolo tombait amoureux de moi, cela voulait dire que je ne valais pas mieux, les hommes qui m'ont aimé étaient des hommes sérieux, cela ne veut pas dire que l'on ne riait pas, ha! si vous saviez…

19.9.06

la vague



c'est une vague au creux de ton ventre, tu penses que c'est le vin de la veille, tu ne l'as pas trouvé bon, tu te demandes si tu es malade, tu sais que ce n'est pas le cas, c'est un dégoût peut-être, pour quelque chose de ta vie que tu ne cernes pas, tu voudrais en savoir plus et puis non, en vérité, tu préfères ne pas savoir, la vague de toute façon cèdera et son écume illuminera quelques secondes ton esprit, une plage de clairvoyance lucide que la journée, radieuse et ensoleillée, noiera de son éblouissante lumière

18.9.06

le troupeau



leur résignation me désespère, leur uniformité me navre, leur démarche me désole, leur nombre me terrifie, leur familiarité me révulse, leur suffisance m'exaspère, leur stupidité m'atterre, leur omniprésence me terrasse, leur voix m'assassine, leurs expressions me crucifient, leurs regards, je n'en parle pas, leur destin est une farce, ils endossent leur rôle sans révolte aucune, ils en sont presque fiers, ils marchent la tête haute, gonflés de certitudes, au moins les bœufs à l'abattoir courbent l'échine quand ils comprennent ce qui les attend et leur viande sert à autre chose qu'à nourrir les vers

17.9.06

le lierre



les souvenirs s'accrochaient cependant aux murs épais du château, tenaces comme le lierre qui en dévorait les façades

16.9.06

le patrimoine



il n'y avait aucune chance pour que je me constitue jamais un patrimoine, mon père n'ayant rien à me transmettre et moi assurément dénué de la moindre perspective d'être père, j'avais beau avoir brassé des dizaines de livres ne parlant que de cela dans le rayon que je tenais, j'avais beau avoir souscrit un plan d'épargne logement qui me servirait au mieux à survivre si je venais à suspendre mon activité, restait un château familial qui n'en était pas vraiment un, puisqu'il n'avait jamais été dans la famille dans le sens traditionnel de l'expression, il n'arborait aucun blason, ne portait aucun patronyme qui me rattachait d'une quelconque façon à son histoire, le château filerait vers d'autres mains à la première occasion, il n'y avait aucune chance non plus que je garde à long terme une famille et si j'avais la sensation parfois d'être seul dans ce cas de figure, le succès croissant des journées du patrimoine me convainquait que ce n'était pas vrai et que l'être humain, en perte exponentielle de repères, tentait tristement de se trouver des racines -la raison de son comportement irrationnel m'échappait néanmoins

15.9.06

la répétition

après plusieurs mois, tu t'étais posé la question de la répétition : tu te demandais si tu n'avais pas déjà utilisé les titres qui te venaient à l'esprit, et sans la mémoire de l'informatique, le doute t'aurait forcé à vérifier les notes les unes après les autres; de même avec les sujets que tu traitais, tu n'étais pas certain de ne pas avoir déjà formulé telle idée, même si d'une manière différente ou dans un autre contexte
tu avais eu peur de ne plus rien avoir à dire, tu avais laissé le doute t'envahir, puis peu à peu te paralyser
pourtant, à bien y réfléchir, la répétition était au cœur de l'œuvre, elle donnait un sens au travail d'une vie, la répétition, fût-elle naturelle ou forcée, permettait de tracer des lignes entre les textes, entre les livres, tu t'étais dit alors qu'au lieu de résister à la question, il fallait plutôt t'y soumettre, t'y abandonner; à l'extrême limite, il serait bon que les notes ne fassent rien d'autre que se répéter, et que les titres, écho les uns des autres, finissent par ne plus être qu'un seul et même titre, qui dirait en un mot l'essentiel

14.9.06

claude



on prévoyait l'italie, un week-end, on ne cessait de remettre, on se disait qu'on aurait le temps quand tu aurais arrêté de travailler, on souriait quand elle râlait, pour la forme, tu disais, je pensais que tu n'avais pas tort, il y a des invitations qui ne sont que des phrases polies comme il y a des regrets qui arrivent trop tard, et des accidents de voiture

13.9.06

l'espace-temps



il te semblait, feuilletant tel livre, qu'il y avait une concordance étrange entre ses pages et les kilomètres qui séparent sur une autoroute une ville de la suivante : tu lisais le chiffre, 390 par exemple, et tu sentais que la distance qui te séparait de cette page-là (tu en étais à la page 184) était en tout point identique à celle qui te promettait nice à trois cent quatre-vingt dix kilomètres, une fois passés lyon et valence
tu te demandais alors ce que temps et distance avaient en commun, et sans regretter des études de science que tu n'aurais jamais menées à bout, par paresse vraisemblablement, tu ouvrais les yeux davantage, à la recherche de ce que tu ne comprenais pas et qui se révélait à toi malgré tout

"tropical-végétal", palais de tokyo, allora & calzadilla

12.9.06

le secret



«on prend un amant comme un miroir»
henri duvernois, le veau gras

"les bronzes", jan fabre, galerie guy pieters, saint-paul de vence

11.9.06

l'autorisation



tu n'avais pas eu l'autorisation de photographier, j'avais posé la question au premier gardien que l'on avait rencontré, qui appliquait les règles à la lettre, plus on avançait dans l'exposition, plus les gardiens se multipliaient et les opportunités de photographier étaient d'autant plus rares et frustrantes que chaque pièce, étroitement surveillée, était plus belle que la précédente, j'avais fini par jeter mon dévolu sur une jeune femme dont la silhouette magnifique se détachait en contre-jour des cercles de néons blancs plaqués contre le mur, elle avait écouté la requête, flattée par la confiance que je lui témoignais et la pose que je lui racontais, que tu n'avais pas pu saisir, elle avait suggéré de contacter la conservatrice du musée d'art moderne, on avait décliné doucement, il y aurait d'autres occasions et pour une fois, même si tu devais en souffrir, tu regarderais une exposition avec tes propres yeux

"new york, new york", forum grimaldi, dan flavin

10.9.06

cruel



«i can be cruel
i don't know why»
tori amos, from the choirgirl hotel

"le noir est une couleur", fondation maeght, pierre soulages

9.9.06

la pierre ponce



et si la mort n'était au fond rien d'autre que cette peau du talon, dure et insensible, multipliée par l'usure et la marche au point que les couches épithéliales se chevauchaient, se pénétraient, isolaient la vie intérieure, anesthésiant les douleurs et les chocs, et si la mort n'était que cela, une ankylose cutanée lente et généralisée, en profondeurs successives, fallait-il se révolter, gommer les cellules mortes à coups vigoureux de pierre ponce ou au contraire s'y abandonner, fermer les yeux et s'endormir, engourdi?

atelier brancusi, paris

8.9.06

la lettre



la lettre ne partirait pas, elle resterait à l'abri du journal, sous son propre regard, perpétuellement, et s'il y écrivait qu'il était content qu'elle entende enfin ce qu'il avait dans la tête au quotidien, il avait su même en l'écrivant que la phrase n'était rien de plus qu'une jolie phrase au milieu de jolies phrases qu'il ne dirait jamais, qu'elle n'entendrait jamais, qui n'étaient pas du tout des jolies phrases mais une vérité unilatérale au milieu des vérités unilatérales qui composent une famille, la lettre s'enkysterait dans ses écritures quotidiennes, elle deviendrait à terme anecdotique comme le conflit qui les opposait, et le monde ne serait pas le moins changé par son existence qu'il ne l'aurait été par sa lecture

7.9.06

l'appel



la nuit était blanche, les tomettes décolorées affichaient leur hexagone dans la forme allongée que dessinait la fenêtre ouverte, mes pieds, baignés de lumière, devenaient bleu, comme les premiers pas à marée basse dans l'eau froide de la bretagne, je m'avançais lentement, ce n'était pas la peine d'ignorer la lune, ce n'était pas possible, le regard allait immédiatement vers elle, il se portait en sa direction, je l'affrontais tête à tête, je n'avais pas besoin d'une lampe mais ce n'était en même temps pas une clarté suffisamment naturelle pour faire quelque chose, c'était au contraire une nuit à ne pas faire, à se tenir debout dans le clair de lune, aminci et blafard, et la gorge en avant, les muscles frissonnants et les mâchoires desserrées, lancer un appel

6.9.06

le refus



une fois écrite, une fois retravaillée, une fois mise au point, tu avais décidé que la note servirait une autre fin et si je m'étais plié à ta décision, je n'avais pourtant pas réussi à trouver le sommeil : je ne pouvais m'empêcher de faire le parallèle entre les mots que tu choisissais de repousser dans le temps et les manuscrits qui s'étaient empilés sur les étagères de la chambre, quand les éditeurs les avaient refusés l'un après l'autre et que je ne parvenais pas à m'en débarrasser pour n'en garder qu'une seule copie, l'écriture refusée se multipliait, des pages semblables à d'autres pages s'ajoutaient les unes aux autres jusqu'à former de nouvelles piles au sol, il avait fallu que j'en fasse le deuil, à un moment donné, lorsque j'avais compris que pour ces textes-là, tout était fini
de même pour la note abandonnée, je me disais que tu pensais l'utiliser plus tard mais je savais pour ma part qu'elle était perdue

5.9.06

abandonnée

4.9.06

l'acte de création



«tant que je serai dans l'acte de création, c'est-à-dire vivant, il sera toujours prématuré d'effectuer un verdict»
jean pierre raynaud, 2005

"les raynaud de raynaud", mamac nice 2006

l'œuvre



«si l'on n'a pas eu la chance de mourir jeune avec une œuvre achevée, la gestion du temps et de l'œuvre pose un problème qui peut paraître insurmontable»
jean pierre raynaud, 2005

"les raynaud de raynaud", mamac nice 2006

3.9.06

collection






collection n.f. (lat. collectio, de colligere, réunir) : réunion d'objets choisis pour leur beauté, leur rareté, leur caractère curieux, leur valeur documentaire ou leur prix.

2.9.06

l'héritage



tu as dans tes gènes une île volcanique qui, une fois l'an, est balayée par des flots de lave, ta mère te racontait les cyclones et les tremblements de terre et c'est une des rares choses que tu penses avoir hérité de ta mère : un attachement irraisonné à une terre brûlée, violente et meurtrière, tu vis sur une faille potentielle, tu ne t'émeus pas des désastres naturels lorsque les corps se comptent par milliers sur les côtes exotiques, tu te dis que mourir sous les coups de la nature est un sort bien plus enviable qu'être dévoré par un monstre à l'intérieur de soi, tu fais le lien entre tes racines et ton devenir, tu es une force vive, debout face au vent, tu n'as pas peur de l'extérieur mais de l'enfermement, tu ne veux pas que l'on t'enterre mais que l'on t'éparpille, que l'on te noie, que l'on te dissipe au gré des alizés et des courants, tu voudrais parfois que l'humanité se taise pour ne plus laisser place qu'aux grondements de la terre et du ciel, tu ne leur ressembles pas

1.9.06

l'huile de coude



l'admiration que tu portes aux femmes de ménage est sans borne, la disparition de la poussière est une variable sur laquelle tu n'as toi-même aucune prise, tu n'as aucune patience pour ce qui est de frotter les moisissures incrustées, tu rêves d'un produit-miracle qui ferait fondre la saleté mais tu sais d'instinct (tu n'es pas idiot non plus) que c'est une utopie, on te parle de l'huile de coude, tu trouves l'expression fameuse, tu rapproches cela de la synovie et de l'intérêt que tu avais pour les roulements à billes du corps humain, tu t'es cassé le coude une fois, ce n'est pas une excuse pour ne pas faire le ménage mais ça t'arrange bien, quand tu sens que le résultat ne sera pas à la hauteur de tes attentes, de prétexter que ça te lance avec une grimace de douleur à laquelle personne ne croit