28.2.06

stendhal



elles m'ont dit de ne pas boire, elles m'ont dit qu'il ne fallait pas boire, elles m'ont dit : ne bois pas, elles ont dit : tu sais, boire, ce n'est pas forcément bon pour la santé, elles ont dit que je pouvais boire finalement, avec tout ce qui se passait autour d'elles, elles ont dit : bois, allez, elles ont dit : mange salé, mange ce que tu veux, tu n'as rien, j'avais fait des analyses de sang, à part le cholestérol un peu élevé… elles m'ont dit que j'étais hypocondriaque, je leur ai répondu que je le savais déjà, j'ai répondu que j'avais mal des fois, dans la tête, brusquement, j'ai dit aussi la sensation des carotides bouchées, la douleur dans le bras gauche, l'impression d'étouffer dans la poitrine, la nuit, les angoisses brutales, j'ai dit que j'avais tout étudié, que je connaissais tous les symptômes, il y avait un nom pour les étudiants en médecine qui se sentaient en danger de mort, qui reconnaissaient en eux toutes les maladies qu'ils avaient travaillées à la faculté, un nom d'auteur, français, la littérature, stendhal, mais après avoir vérifié, j'ai été surpris de découvrir que ce que j'attribuais à un désordre médical était en réalité un syndrome artistique, elles ont dit : tu n'es pas malade, j'ai répondu que je le savais bien, elles ont demandé ce que je voulais boire, j'ai proposé une bouteille de vin rouge, un vin italien, on a levé nos verres

27.2.06

notre histoire



c'est une petite boîte métallique, froide au toucher, c'est un petit rectangle d'acier que tu tiens dans tes mains, c'est cette petite chose, là, posée à quelques centimètres de mes doigts sur le clavier, c'est cet objet, c'est lui, c'est ce truc, ce machin fragile, hypersensible, c'est avec lui que tu t'exprimes, c'est ton écriture à toi, que tu donnes ensuite à lire, à déchiffrer, à interpréter, c'est minuscule, cela tient dans la poche de ta veste quand tu te promènes dans les rues de la ville, mais comme c'est le cas pour l'écriture, ce n'est pas la taille de la boîte qui importe mais ce qu'il y a dedans

"notre histoire", palais de tokyo 2006, adel abdessemed

19.2.06

gabrielle



«comme toujours, le vol la met en transe, épanouit et ordonne ses pensées comme les rosaces d'un mandala»
wittkop, chaque jour est un arbre qui tombe

collection






collection n.f. (lat. collectio, de colligere, réunir) : réunion d'objets choisis pour leur beauté, leur rareté, leur caractère curieux, leur valeur documentaire ou leur prix.

18.2.06

effacée

17.2.06

la trace



tu n'étais jamais sûr de lui, tu pensais qu'il ne t'aimait pas suffisamment, tu avais pris l'habitude de chercher des réponses dans les horoscopes quotidiens que tu écoutais à la radio, que tu lisais dans les journaux, tu t'accrochais à toute déclaration positive, les jours où les mots présageaient des querelles ou des déceptions, tu te repliais sur toi-même, souvent tu évitais son regard, tu ne voulais pas qu'il y lise ton manque de confiance, tu tournais la tête quand il t'embrassait au moment de quitter la maison, ses lèvres effleuraient ta joue, tu fermais même les yeux, tu entendais la porte claquer, tu te jetais sur le lit, tu espérais que la journée s'effacerait de ta conscience, tu souhaitais qu'elle n'existât pas mais la journée, bel et bien, existait et tu frappais ton front contre le mur blanc jusqu'à y laisser la trace de tes cheveux longs, que tu dissimulais ensuite derrière les oreillers

15.2.06

la promesse



je m'appelle laurent herrou, je suis brun, châtain plutôt, châtain clair, j'ai des cheveux blancs, des tas, j'en ai de plus en plus, j'emploie un shampooing au henné et au vinaigre de mûre qui a pour vocation de raviver la brillance de mes cheveux qui en ont bien besoin, j'emploie aussi un autre shampooing, à base de fruits, qui a pour but de supprimer les frisottis et de reconstruire la boucle, la, singulier, parce qu'on parle de la boucle, vous voyez, je m'appelle laurent herrou, j'ai des cheveux bouclés, ondulés plutôt, qui ont été beaux, qui le sont certains jours bien que ternes, je me dis parfois que ce serait bien, une couleur ou alors une coupe radicale, un beau jour, c'est une promesse, c'est une menace aussi, vous n'en reviendrez pas, quand mes boucles seront perdues, elles auront fait place à un crâne ras, totalement tondu, rond et brillant, un jour je me transformerai, je continuerai à m'appeler laurent herrou mais laurent herrou, du moins cette version-là, celle que vous connaissez, que vous fréquentez, celle que vous avez appris à connaître, à reconnaître, celle que (peut-être) vous aimez, n'existera plus, ne la pleurez pas

14.2.06

mon chéri



c'est de votre amour qu'il est question
c'est une cagette sur un amas de détritus, c'est un déchet, balancé dans un coin, sur une pile plus large de déchets, c'est un carton vide, vidé, inutile, c'est une photographie que tu as choisie pour la saint-valentin, c'est une expression que vous utilisez, que tu utilises, ce sont deux mots, possessif et adjectif, par lesquels vous avez l'habitude de vous appeler parce qu'avant vous, vos parents les utilisaient et leurs parents avant eux
c'est une habitude, aimer comme on descend les poubelles
c'est le quotidien, vous vous en régalez, puis vous jetez les os, vous entassez, vous vous débarrassez et quelqu'un derrière vous vient faire le sale boulot : la destruction des restes
tu t'arrêtes, c'est une poubelle, un amas de détritus, tu sors ton appareil photo, tu as repéré l'expression, les mots que tu emploies comme tout le monde, tu as cadré, tu es fier de ton travail
tu souris en me le montrant, je souris en miroir
les poubelles, on les descend à tour de rôle, comme on emploie les mots, possessif et adjectif, toi et moi, exactement les mêmes parce que nous sommes les mêmes, fiers de notre travail, toi et moi, fiers de composer à partir des restes, fiers de regarder en face nos déchets, de ne pas les jeter mais de les recycler, en images, en mots, artistes

12.2.06

dimanche

11.2.06

jack bauer est mort




je m'appelle nina myers, souvenez-vous
je suis morte
je m'appelle nina myers, tu as appuyé sur la détente après avoir posé une question, tu n'as pas écouté la réponse, tu as regardé dans mes yeux, tu y as vu le passé : une femme en noir dans un couloir glacé et des larmes éternelles
tu poses des questions, tu n'écoutes pas les réponses, tu n'en fais qu'à ta tête, ta peine est capitale, c'est elle que tu écoutes, tu n'essaies pas de justifier, tu ne te trompes pas, tu appuies sur la gâchette et la balle est tirée
dans le couloir glacé, une femme s'effondre, abattue
je m'appelle nina myers, la mort marche avec moi, c'était entendu depuis le début, comme tes traces dans les miennes, et la scène, répétée
jack bauer est mort
je m'appelle nina myers et je ne suis plus seule

abus de tigres




«des os des tigres décédés d'un zoo de shangaï, la capitale économique chinoise, sont recyclés pour fabriquer un alcool supposé bon pour les rhumatismes, a rapporté vendredi le quotidien les nouvelles de pékin»
(libération, 11 février 2006)

10.2.06

donner

jeanpierre a dit : le problème, c'est ton journal
j'ai soulevé un sourcil, amusé, ça me faisait rire que mon journal prenne à nouveau tellement d'importance, mon journal, le mot journal, ça me faisait sourire, ça m'énervait sans doute un peu aussi, que le journal, le mot journal, soit repris, ici et là, qu'on le lise en y associant n'importe quoi -parce que mon journal n'est pas n'importe quoi
venant de jeanpierre, j'étais prêt à écouter cependant, j'ai demandé où était le problème, jeanpierre a dit que j'écrivais dans mon journal, qu'il avait parcouru la blogosphère, qu'il y avait lu beaucoup de choses, des journaux intimes en quelque sorte, qu'ils soient photographiques ou littéraires, vidéo, musicaux, pour revenir à ce que disait moland dans une note précédente sur la variété des blogs et l'infinité des possibilités, que par conséquent, dans la mesure où j'écrivais déjà un journal à moi, je n'allais pas me répéter sur le blog, ni confier une impression, une sensation, quelque chose que j'aurais gardé / que je garderais spontanément pour le journal, le vrai, j'ai baissé la tête, visage vers les chaussures pour masquer un sourire d'une prétention avantageuse, j'ai répondu : ah non?
j'ai dit que j'avais de quoi alimenter l'un et l'autre si je le voulais
j'ai insisté : si je le souhaite
qui voulait bien dire que ça dépendait de moi, rien que de moi, de ma volonté à donner, ma volonté à me laisser aller à donner, à être quelqu'un de généreux, ce que je ne suis pas, ne vous méprenez pas
j'ai néanmoins conservé l'une des objections de jeanpierre sur les différences entre journal intime et blog intime, qui était la longueur des pages : il me semblait évident que je n'allais pas écrire des notes de cinq pages sur le blog, sans être rasoir, ce serait non-esthétique, pour revenir à nouveau au long manifeste de moland sur le choix de la charte graphique etc… j'ai dit : je ne crois pas que ce soit le lieu pour cela
sur le blog que j'ai ajouté ce soir dans la liste des liens, azure-te, il est spécifié en exergue : "journal pas si intime"
j'ai parcouru l'écriture des notes, le choix des titres, le ton donné, la grande liberté, j'ai reconnu une autre école de la littérature, entre souvenirs d'enfance et quotidien irrigué, j'ai également reconnu des choses de moi, de ma prose à moi, la mienne, j'ai peut-être été jaloux un quart de seconde avant de me rendre à l'évidence qu'un jour (mais pas ce soir) je lirais ce blog de a à z -mais pas ce soir
je n'ai pas eu peur, j'ai eu une confirmation

9.2.06

sailor girl



«i'm the girl you can't see
i'm the girl who isn't me (…)
i'm a sailor girl who doesn't speak
stronger than you but still so weak»
sophie auster

8.2.06

vers

écrire sur un ordinateur, écrire son journal, écrire un blog, se poser la question des différences, se poser la question de ce que je suis en train de faire à l'instant : un blog ou la question du blog, la remise en question du blog lui-même?
écrire sur cet ordinateur dans le but d'envoyer les mots vers le blog, écrire non pas quelque chose mais vers quelque chose, ce n'est pas comme : écrire pour soi
écrire de toute façon, justifier la chose par : l'écriture, de toutes les façons, ici ou là-bas
sentir que ça se relâche, ça, dedans, à cause du blog, qui s'est verrouillé, qui a empêché, la veille, l'écriture de la page traditionnelle du journal, la page dite traditionnelle, bien que : virtuelle, computerisable, inexistante en substance, la page qui n'existe pas du journal qui n'existe pas en tant que journal, puisque : pas de papier, mais des mots sur les pages blanches, accumulées d'un logiciel
s'être dit que j'allais réussir, dépasser l'obstacle, m'être dit que j'allais bien entendu triompher sur le blog, l'écriture ici et là, les deux, et pourquoi pas encore ailleurs, sur d'autres sites, comme j'interviens déjà ici ou là (hyperliens?) -vous savez
écrire, soirée, être capable de boucler la note, être capable d'arrêter l'écriture ici pour la reprendre là-bas, dans le journal qui n'existe pas, quitter l'un pour l'autre, (s')abandonner

7.2.06

the nearness of you



«it's not the pale moon that excites me
that thrills and delights me, oh no
it's just the nearness of you»
hoagy carmichael / ned washington

6.2.06

ce temps-là, dehors, maintenant



le temps que je passe sur un ordinateur, le temps que je passe sur internet, le temps que je passe à écrire, le temps passé, qui passe
l'emploi du temps, mon emploi du temps
le tien, le temps que tu vas y passer, y consacrer
ton temps
le temps qu'il fait, ce temps-là, dehors, maintenant
tu sais?
le temps qu'il faut, qu'il a fallu, le temps entre nous
deux
notre temps à nous
ici